DEROULE de la séquence: Géants Emilie Canals

 

A La naissance de Gargantua :

 

Gargamelle, enceinte, est sur le point d’accoucher.

 

Peu de temps après, elle commença à soupirer, à se lamenter et à crier… La matrice se relâcha, l’enfant en sortit d’un saut, et entra dans la veine cave; puis montant à travers le diaphragme jusqu’au-dessus des épaules (où ladite veine se partage en deux), il prit son chemin à gauche et sortit par l’oreille de ce côté.

Dès qu’il fut né, il ne cria pas comme les autres enfants : « Ouin ! Ouin ! », mais il s’écriait à haute voix : « A boire ! à boire ! à boire ! », comme s’il invitait tout le monde à boire, si bien qu’il fut entendu de tout le pays de Busse et Bibarois. […]

Le bonhomme Grandgousier, buvant et rigolant avec les autres, entendit le cri horrible que son fils avait poussé en voyant la lumière de ce monde, quand il braillait pour demander : « A boire ! à boire ! à boire ! » Il dit alors : « Que grand tu as » (sous-entendez : le gosier). A ces mots, les assistants dirent que vraiment il devait avoir pour cette raison le nom de Gargantua, puisque telle avait été la première parole de son père à la naissance. Grandgousier y condescendit, et cela plut bien à sa mère. Et pour l’apaiser ils lui donnèrent à boire à tire-larigot, et il fut porté sur les fonts baptismaux, et baptisé, comme c’est la coutume des bons chrétiens.

Et lui furent attribuées dix-sept mille neuf cent treize vaches de Pontille et de Bréhémont pour l’allaiter ordinairement. Car de trouver une nourrice suffisante, il n’en était pas question, dans tout le pays, vu la grande quantité de lait nécessaire pour l’alimenter […]

Il passa à ce régime un an et dix mois ; quand il parvint à cet âge, sur les conseils des médecins, on commença à le sortir et une belle charrette à bœufs fut construite grâce à l’ingéniosité de Jean Denyau, dans laquelle on le promenait de ce côté-ci, de ce côté-là, joyeusement ; et il faisait bon le voir car il portait bonne trogne et presque dix-huit mentons.

 

Rabelais, Gargantua, 1534.

 

      Premier temps: lecture.

 

-         Lecture par le prof du texte,  et explication du vocabulaire difficile.

-         Les élèves relisent et redisent le texte en groupe afin de se l'approprier.

-         Premier travail de compte rendu: consigne

-         "Illustrez un élément ou un épisode marquant, choquant, curieux du texte"

-         Mise en commun des remarques de chacun. Qu'avez-vous illustré et pourquoi?

 

-         De quoi ou de qui parle le texte ? UN GEANT.

-         Les élèves font en groupe  la liste des indices.

-         Lecture d’image : la naissance de Pantagruel de G. Doré (Français 5ème, BORDAS, p.111)

-         Consigne: Quel rapport cette image entretient-elle avec a) le texte,

-                                                                                                    b) vos dessins.

 

Deuxième temps : Ecriture :

 

-         2 sujets au choix (par groupes de 2)

 

§         Vous êtes journaliste (taille humaine) et vous avez pu approcher le berceau pour voir Gargantua, le « bébé-géant ». Vous décidez de rédiger un article pour informer vos concitoyens de ce que vous avez vu.

§         Vous êtes Gargamelle, la mère de Gargantua. Vous écrivez une lettre à votre meilleure amie pour lui décrire votre « petit » chérubin.

 

-         Amélioration de texte et apprentissage d'une notion.

En effet les élèves écrivent des catalogues descriptifs..

-         Problème de la description :

§         Qu’est-ce que décrire ? Rappel théorique puis les élèves choisissent un objet qu’ils décrivent par écrit, à leur voisin, mais sans jamais le nommer.

§         Le Bon Gros Géant, Roald Dahl :

 

 

Qu’est-ce que décrire ?

 

La description cherche à faire voir au lecteur. La description est une photo faite avec des mots.

Décrire consiste donc à énumérer les éléments qui composent un objet, un lieu, un personnage.

Les passages qui décrivent les personnages sont aussi appelés PORTRAITS.

 

Attention : il faut mettre de l’ordre dans une description. On ne commence pas à parler des yeux du personnage, puis de ses pieds pour revenir ensuite à ses cheveux… On peut donc aller de bas en haut, de gauche à droite, de l’élément le plus éloigné pour se rapprocher… et inversément.

 

Qui ?

 

Cela n’avait rien d’humain. Ce ne pouvait l’être. C’était quatre fois plus grand que le plus grand des hommes. C’était si grand que sa tête dominait les plus hautes fenêtres des maisons. […] Dans la clarté de la lune, Sophie aperçut l’espace d’un instant une énorme tête, longue, pâle et ridée, dotée d’oreilles gigantesques. Il avait un nez en lame de couteau et au-dessus, deux yeux brillants qui lançaient des éclairs, deux yeux dont le regard tomba droit sur Sophie. […]

Un instant plus tard, une main immense aux doigts pâles apparut à la fenêtre et se glissa à l’intérieur comme un serpent. Elle était suivie d’un bras qui avait l’épaisseur d’un tronc d’arbre […].

 

Le géant s’assit sur la chaise et la regarda avec insistance. Ses oreilles étaient vraiment démesurées. Chacune avait la taille d’une roue de camion et il avait le pouvoir de les remuer à sa guise en les écartant de sa tête ou en les rabattant en arrière.

- Moi, j’ai faim ! gronda le géant.

      Puis il se mit à sourire, en découvrant d’immenses dents carrées. Elles étaient très carrées et très blanches et semblaient plantées dans ses mâchoires comme d’énormes tranches de pain de mie.

 

Le bon gros géant, Roald Dahl.

 

 

Que sait-on du personnage décrit dans le texte ?

         Taille – Tête – Oreilles – Nez – Yeux – Dents – Main – bras

 

De quels autres éléments pourrait-on parler pour continuer la description du personnage ?

         Jambes – Pieds – Doigts – Cheveux – Peau  – Vêtements…

 

Faire voir, mais aussi faire entendre : voix

                                 Faire sentir : parfum  …

Allure générale : taille – poids – âge

 

§         Vocabulaire 1 : exprimer le très grand et le très petit.


 

VOCABULAIRE (trace écrite)

 

Pour exprimer le très grand, on peut utiliser :

des adjectifs : grand, immense, gigantesque, démesuré, spacieux, extraordinaire, géant, élevé, colossal, monumental…

des adverbes : très (grand), vraiment, extraordinairement, immensément, tellement, si, extrêmement, prodigieusement…

des comparaisons : des dents aussi grandes que des tranches de pain de mie, des oreilles grosses comme des roues de camion…

 

A l’inverse, pour exprimer le très petit, on peut utiliser :

des adjectifs : petit, minuscule, microscopique, ridicule, miniature, nain, invisible, riquiqui, insignifiant, réduit…

des adverbes : très (petit), tellement, si, extraordinairement, ridiculement, microscopiquement, extrêmement, prodigieusement…

des comparaisons : des dents aussi petites qu’une tête d’épingle, des jambes fines comme un fil de fer…

 

-              Vocabulaire 2 :Découvrir la langue du XVIème siècle : La naissance de Gargantua, version originale.

 

Le bon homme Grandgousier, beuvant et se rigollant avecques les aultres, entendit le cry horrible que son filz avoit faict entrant en lumière de ce monde, quand il brasmoit, demandant : « A boyre ! à boyre ! à boyre ! » Dont il dist : « Que grand tu as ! » (supple le gousier). Ce que ouyans, les assistans dirent que vrayement il debvoit avoir par ce le nom de Gargantua, puisque telle avoit esté la première parolle de son père à sa naissance, à l’imitation et exemple des anciens Hébreux. A quoi fut condescendu par icelluy, et pleut très bien à sa mère. Et, pour l’appaiser, luy donnèrent à boire à tyre larigot, et feut porté sus les fonts et là baptisé, comme est la coustume des bons chistiens.

  Et luy furent ordonnées dix et sept mille neuf cens treze vaches de Pautille et de Brehemond pour l’alaicter ordinairement. Car de trouver nourrice suffisante n’estoit possible en tout le pays, considéré la grande quantité de laict requis pour icelluy alimenter.

 

a) Que te rappelle ce texte ? Quelles remarques peux-tu faire ?

b) Alors qu’aujourd’hui nous écrivons « autres », « fait », « lait », Rabelais, lui écrit « aultres » (l.2), faict (l.3), « laict » (l.22).

c) A l’aide d’un dictionnaire, recherche l’étymologie de ces mots. Que constates-tu par rapport à l’orthographe adoptée par Rabelais ?

d) Cherche des mots de la même famille que « fait », « lait », « autre » où l’on retrouve la présence des consonnes qui figuraient autrefois dans « faict », « laict » et « aultres ».

e) Quelle remarque peux-tu faire sur le mot « christiens » ?

 

 

 

 

B) Le journal d’un géant : Timotée Petipeton :

 

 

Mercredi 5 septembre

  Demain, c’est la rentrée ! Mon cartable est déjà prêt et je ne quitte plus mes nouvelles chaussures, même pour dormir : elles sont rouges avec de beaux lacets jaunes et verts. Je chausse du 72 : j’ai un peu grandi, cet été ! Certainement l’air de la montagne.

Je suis tellement impatient de découvrir mon nouveau collège ! Mais en fait, je ne sais pas vraiment à quoi ça ressemble, un collège. J’ai toujours eu un précepteur qui se chargeait de m’enseigner l’histoire, la géographie, l’écriture, les mathématiques, etc… Enfin, toutes ces choses que les autres enfants ont appris dans ce qu’on appelle une école.

J’ai un peu peur…

 

Jeudi 6 septembre

  Ce matin, j’étais debout avant même que mon réveil n’ait sonné. J’étais très énervé : j’allais enfin rencontrer des enfants de mon âge ! Des tonnes de questions se bousculaient dans ma tête… J’en oubliais même de manger ! Maman m’avait pourtant préparé un excellent petit déjeuner : une marmite de chocolat chaud, cinq baguettes fraîches couvertes de confiture de mirabelles. (C’est celle que je préfère !) Sans oublier un litre de jus d’oranges pressées. Tout ce qu’il faut pour démarrer une journée du bon pied !

  Mon arrivée au collège n’est apparemment pas passée inaperçue :  j’ai pourtant tout fait pour être le plus discret possible ! Mais je suis tellement maladroit…

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons passé la matinée avec notre professeur principal. Il nous a tout expliqué : les différentes matières, le matériel, les leçons, les punitions… Nous n’avons pas vu le temps passé : à 10h30, la récréation a sonné et tout le monde s’est précipité dehors. Il m’a fallu un peu plus de temps pour sortir : j’ai bien pris garde de ne pas renverser les tables en passant dans les rangs sur la pointe des pieds. J’ai pris les mêmes précautions dans la cour. Et pourtant…

 

 

 

 

 

 

 

Tout s’est donc heureusement terminé !

  Nous sommes rentrés en classe pour n’en sortir qu’à l’heure du déjeuner. J’avais une faim d’ogre : le goûter que m’avait préparé maman (une tarte aux pommes et un gâteau au chocolat) avait depuis longtemps disparu et je me sentais capable de dévorer un hippopotame. Direction, la cantine où une drôle d’aventure m’attendait !

 

 

 

 

 

 

 

  Le reste de la journée s’est passé plus calmement. Heureusement pour moi, car je crois que monsieur le Principal n’aurait pas vraiment supporté une bêtise de plus…

 

Vendredi 7 septembre

  Première heure : Maths. Géométrie. Tracer un carré de 6,5 cm de côté. Je me suis terriblement appliqué : j’avais taillé mon crayon le plus finement possible ! Et pourtant… « Comment voulez-vous faire un travail précis avec une pointe de dix centimètres de diamètre ?!! » s’est écrié M. Dubouchon à la vue de mon gribouillage. Ca m’a valu une punition.

Mais le pire, c’est sans doute en cours de sport…

 

 

 

 

 

 

 

 

Résultat : je suis dispensé de sport jusqu’à la fin de l’année. Dommage !

 

 

Samedi 8 septembre

  « Aujourd’hui, vous avez VISITE MÉDICALE » nous a-t-on annoncé. A ces mots, ça a été l’effervescence dans la classe. Les filles chuchotaient par petits groupes et des mots prononcés un peu plus fort me parvenaient : PIQÛRE, OREILLES, POIDS… Ca semblait terrible !

  On s’est tous rangés par ordre alphabétique, dans un long couloir froid et lugubre… Il faisait très sombre : il faut dire que je cachais un peu la seule fenêtre des lieux !... On a attendu, attendu… Et soudain, une voix grinçante a crié : PETIPETON !

 

 

 

 

 

 

 

 

Heureusement que la visite médicale n’a lieu qu’une fois dans l’année !

  En dernière heure, Mme Duchoux, notre prof de français, nous a emmenés au CDI pour choisir un livre de lecture. Après avoir renversé trois bibliothèques et m’être assis sur l’ordinateur du documentaliste, j’ai finalement trouvé un livre qui me convenait : Le petit Poucet, de Charles Perrault.

  Quand la cloche a retenti, je me suis senti soulagé : j’allais enfin pouvoir me reposer de toutes mes aventures de nouveau collégien.

 

  Consignes:

-              Compléter les blancs du texte en trouvant les bêtises.

-              Rédiger une bêtise. (avec travail d’amélioration de textes)

-              Le principal du collège donne des ordres à Timotée. Puis rédaction d’un règlement « Spécial Géants » 

 

 

 

Langue: EXPRESSION DE L’ORDRE ET DE LA DEFENSE. Travail de recherche.

 

Timotée a fait des ravages au collège, au cours de la première semaine. Pour que l’année se poursuive dans de meilleures conditions, le principal convoque le géant pour régler les problèmes.

Aide-le d’abord à dresser une liste de toutes les bêtises qu’a faites ou que pourrait faire Timotée :

 

-  Déraciner un platane dans la cours.

-  Piétiner la voiture du professeur de français.

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

-  …………………………………………………………………

 

Pour chaque bêtise, que lui a dit de faire et de ne pas faire le principal ?(Complète le tableau)

 

DEFENSE

ORDRE

« ………………………………………………...

………………………………………………… »

« ………………………………………………...

………………………………………………… »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quel type de phrase utilises-tu pour exprimer un ordre ou une défense ? ………………………….………………………………………………………………………

 

 

2 Leçon           L’ordre et la défense

 

·                               L’impératif

 

Pour donner un ordre en s’adressant à un (ou plusieurs) destinataire précis, on emploie le mode impératif. Employé à la forme négative, il exprime une interdiction.

  Ex : Joue-moi du violon     /       Ne recommence pas.

 

ATTENTION : selon le sens du verbe, il peut s’agir d’un recommandation, d’un conseil (ordre atténué).     Essaie de dormir    /     Evite de le contredire.

 

  L’impératif n’existe qu’aux personnes du dialogue : 2ème pers. du sg, 1ère et 2ème du pl. Il s’emploie sans pronom sujet.

 

Impératif

1er gr

en –e

2ème gr du type cueillir

Impératif

2ème gr

en –s

3ème gr

Regarde

Regardons

Regardez

Cueille

Cueillons

Cueillez

Finis

Finissons

Finissez

Prends

Prenons

Prenez

 

Certains verbes ont un impératif particulier :

ETRE : sois, soyons, soyez.

AVOIR : aie, ayons, ayez.

ALLER : va, allons, allez.

SAVOIR : sache, sachons, sachez.

VOULOIR : (veuille, veuillons) veuillez.

 

ATTENTION : pour les verbes qui ont un impératif en –e, un –s se maintient devant un pronom qui commence par une voyelle.

              Ex : Mange ce gâteau / Manges-en.

 

  Pour la 3ème pers. du sg et du pl., on peut donner un ordre à l’aide de QUE + le verbe au subjonctif.                         Ex : Qu’il vienne le plus vite possible.

 

·                               L’infinitif

 

Ce mode est utiliser pour donner des consignes à suivre, mais sans s’adresser à quelqu’un en particulier.

On le trouve dans les énoncés d’exercices, dans les manuels scolaires   Compléter les phrases suivantes

                    Les recettes de cuisine         Ajouter deux œufs, puis mélanger.

                    Les notices techniques.        Appuyer sur pause.

 

·                               Le verbe DEVOIR.

 

Ex : Tu dois faire signer ton devoir pour demain.

 

·                               Les tournures impersonnelles

 

Il est nécessaire que, il est utile que, il est obligatoire que, il est indispensable que… + SUBJONCTIF

              Ex : il est indispensable qu’il vienne à tous les cours.

 

Il faut :    - + INFINITIF             Il faut venir tout de suite.

              - + que + SUBJONCTIF        Il faut que vous veniez tout de suite.

 

C) La guerre picrocholine (Rabelais) 

 

-         Lecture du texte : qu’est-ce qui se passe ?

 

Quelques années plus tard, au cours d’une guerre qui oppose Gargantua à Pichrochole…

 

Comment Gargantua démolit le château du gué de Vède, et comment ils passèrent le gué.

 

Gargantua monta sur sa grande jument, accompagné comme nous l’avons dit. Et trouvant en son chemin un arbre haut et grand (on l’appelait communément l’Arbre de saint Martin, parce qu’il provenait d’un bâton que saint Martin avait planté jadis et qui avait crû ainsi), il dit « Voici ce qu’il me fallait : cet arbre me servira de bâton et de lance ».

 Il           l’arracha facilement de terre, en ôta les rameaux, et l’arrangea pour son plaisir. Cependant sa jument pissa pour se relâcher le ventre, mais ce fut en telle abondance qu’elle en fit sept lieues de déluge. Tout le pissat dériva au gué de Vède, et l’enfla tellement au fil de l’eau que toute cette troupe des ennemis fut noyée horriblement, excepté certains qui avaient pris le chemin vers les coteaux à gauche.

Arrivé à l’endroit du gué de Vède, Gar­gantua fut avisé par Eudémon que dans le château il restait des ennemis. Pour le savoir, Gargantua s’écria aussi fort qu’il put:

« Etes-vous là, ou n’y êtes-vous pas? Si vous y êtes, n’y soyez plus; Si vous n’y êtes pas, je n’ai rien à dire. »

Mais un ribaud de canonnier qui était au mâchicoulis lui tira un coup de canon, et l’atteignit à la tempe droite furieusement : toutefois cela ne lui fit pas plus de mal que s’il lui avait jeté une prune.

« Qu’est-ce que c’est que ça? dit Gargan­tua. Nous jetez-vous des grains de raisin? La vendange vous coûtera cher. » Il pensait vraiment que le boulet était un grain de rai­sin.

Ceux qui étaient dans le château, occupés à jouer à la pile, en entendant le bruit cou­rurent aux tours et aux fortins, et ils lui tirèrent plus de neuf mille vingt-cinq coups de petits canons et d’arquebuse, visant tous à la tête, et ils tiraient si dru contre lui qu’il s’écria :

«Ponocrates, mon ami, ces mouches-là m’aveuglent. Donnez-moi quelque rameau de ces saules pour les chasser ! »

Il pensait que les volées de plomb et les boulets de pierre étaient des mouches à boeufs.

Ponocrates l’avertit que ce n’étaient d’autres mouches que les coups d’artillerie tirés du château. Alors, de son grand arbre, il cogna contre le château, et à grands coups il abattit les tours et les fortins, et il effondra tout par terre. Ainsi furent écrasés et mis en pièces ceux qui étaient dans le château.

 

 

Comment Gargantua, en se peignant, faisait tomber de ses cheveux les boulets d’artillerie.

 

Ayant quitté la rive du Vède, ils arrivèrent peu de temps après au château de Grand­gousier, qui les attendait en grande impa­tience. A sa venue, ils le festoyèrent à tour de bras: jamais on ne vit gens plus joyeux [...]

Ce qui est vrai, c’est que Gargantua, en changeant d’habits et en se coiffant avec son peigne (qui était long de cent cannes, et muni de grandes dents d’éléphants toutes entières), faisait tomber à chaque coup plus de sept paquets de boulets qui lui étaient demeurés entre les cheveux lors de la démo­ lition du bois de Vède. En le voyant, Grand­gousier son père pensa que c’étaient des poux, et il lui dit:

«Vraiment, mon bon fils, nous as-tu apporté jusqu’ici des éperviers de Mon­taigu? Je n’entendais pas que tu ailles y résider... Mais ce soir, je veux vous festoyer, et soyez les bienvenus.»

Cela dit, on apprêta le souper, et furent rôtis seize boeufs, trois génisses, trente-deux veaux, soixante-trois chevreaux de l’été, quatre-vingt-quinze moutons, trois cents cochons de lait au beau moût de raisin, deux cent vingt perdrix, trois cents bécasses, quatre cents chapons du Loudunois et de Comouaille, six mille poulets et autant de pigeons.

 

 

 

-              Consignes: Travail de groupe :

 Enquête sur une guerre étrange. Dossier accompagné d’un rapport de travail du groupe et d’un rapport individuel.

 

Sa Majesté Le Roi                                                                                                                                

De Cracratovie

 

 

A

 

Mesdemoiselles et Messieurs les agents

Bureau des enquêtes militaires                                          Le 06 octobre 2001

Collège Verlaine

62052 Saint Laurent Blangy Cedex

 

 

 

 

 

 

 

Mesdemoiselles, Messieurs,

 

 

Je m’adresse à vous aujourd’hui afin que vous veniez à mon secours et que vous m’aidiez à comprendre.

Voici une semaine, mes troupes, dirigées par le général Picrochole, ont été décimées au cours d’un combat contre de simples paysans résidant sur les terres de mon voisin et ami, le roi Grandgousier. Depuis ce jour néfaste où mon armée a été presque entièrement détruite, ledit général a disparu.

Il faut certainement voir dans cette fuite, une volonté d’échapper à une explication et, s’il y a lieu, à une punition sévère pour cause d’erreur de commandement ayant entraîné le désastre qu’on connaît.

Aussi je souhaiterais que vous enquêtiez afin de m’éclaircir sur les circonstances de la tragédie. Il me semble qu’on pourrait, par exemple, étudier le plan de la bataille, récolter quelques indices sur le terrain, aller interroger l’un ou l’autre des acteurs du drame.

Mais je suis sûr que vous saurez mieux que moi organiser votre travail avec votre équipe. Je vous laisse entière liberté quant aux moyens à mettre en œuvre pour mener à bien votre mission.

Avec la certitude de votre entière réussite, je vous prie de croire, Mesdemoiselles, Messieurs, en l’expression de mes sincères salutations.

 

                                              

 

                                                                           Le Roi

                                                        

 

 

 

 

 

RAPPORT D’ENQUÊTE ( fiche modèle à remplir par chacun des membres.)

 

Missions remplies par chacun des agents enquêteurs :

 

………………………...……………………………………………………………

Rapport d’activités :

 

-              par quoi avez-vous commencé votre travail ?

…………………………………………………………………………………………………

 

-              comment avez-vous choisi les éléments à mettre dans votre dossier ?

…………………………………………………………………………………………………

 

-              comment vous êtes-vous réparti les tâches dans l’équipe ?

………………………………………………………………….

 

LE DOSSIER D’ENQUÊTE SUR LA GUERRE PICROCHOLINE

 

Rapport de l’agent spécial ……………………………, sur le travail d’investigation mené par son équipe.

 

Ce que j’ai aimé : …………………………………………………………..
Ce que j’ai moins aimé : ……………………………………………………………………

Ce que j’ai appris : …………………………………………………………

Je pense que le travail de groupe sert à …………………………………….

Comment a fonctionné mon groupe ?  ..………………………………………………………

Autres remarques : …………………………………………………………

 

D Dictée dialoguée.

 

Les géants

 

            C’était une vision ahurissante. Les géants étaient vêtus d’une sorte de jupe courte nouée autour de leurs hanches. Leur peau était brûlée par le soleil. Mais c’était surtout leur taille qui semblait stupéfiante. Ils étaient tout simplement colossaux. Et ils étaient si laids avec leur chevelure crasseuse pendant sur leurs épaules nues ! Beaucoup d’entre eux avaient un ventre énorme qui leur tombait sur les genoux. Tous avaient de longs bras poilus et de grands pieds terriblement sales. Sophie était trop loin pour distinguer les traits de leur(s) visage(s). Mais cela valait sans doute mieux. Elle pouvait entendre leurs hurlements de bêtes affamées. Elle avait la chair de poule : elle aurait pu tomber entre leurs mains et leur servir de repas.

 


Nom : …………..                   Prénom : ……………….                                                       5A

                                           CORRECTION DE LA DICTEE

 

Voici le texte de la dictée. Il manque des mots qui vont vous être dictés. Des erreurs ont été faites, à vous de les corriger.

 

C’était une vision ………………..  . Les géant étaient vétus d’une sorte de jupe courte noué autours de …………………  . Leur peau était ………………… par le soleil. Mais s’était surtout leur taille qui semblaient …………………  . Ils étaient tous simplement ……………….. Et ils étaient si lait avec leur …………………. crasseuses pendant sur leurs épaules nus ! ………………………………. avait un ventre énorme qui leurs tombait sur les …………….. Tous avaient de longs bras poilus et de grands pieds terriblement salles.

 

 

E:  Les expansions du nom.

 

Travail de recherche

 

Tout était calme dans le collège. Soudain un bruit a rempli toutes les salles. Les élèves ont sursauté. Le professeur a poussé un cri. Il s’est dirigé vers la fenêtre et a regardé dans la cour. Les élèves se sont précipités derrière leur professeur. Et tous ont assisté au spectacle : un garçon se tenait au milieu de la cour. Sur son dos, il avait un cartable. Le garçonnet se tenait sur un pied et il jouait à la marelle. Un sourire illuminait son visage. Et à chacun de ses sauts, les élèves étaient projetés en l’air. Le principal a alors fait son apparition dans la cour pour faire cesser le garçon.

 

Tout était calme dans le collège. Soudain un bruit assourdissant, accompagné d’un tremblement de terre, a rempli toutes les salles de classe. Les élèves qui travaillaient sur leur projet de lecture ont sursauté. Le professeur qui s’endormait en corrigeant des copies a poussé un cri strident. Il s’est dirigé vers la fenêtre et a regardé dans la cour qui devait être déserte à cette heure de la matinée. Les élèves apeurés se sont précipités derrière leur professeur de mathématiques. Et tous ont assisté au spectacle surprenant mais tellement drôle : un garçon de quatre à cinq mètres se tenait au milieu de la cour. Sur son dos immense, il avait un cartable d’écolier aussi grand qu’une armoire. Le gigantesque garçonnet se tenait sur un pied et il jouait à la marelle. Un sourire éclatant illuminait son visage énorme. Et à chacun de ses sauts, les élèves éberlués étaient projetés en l’air. Le principal, rouge de colère, a alors fait son apparition dans la cour ensoleillée pour faire cesser le jeune garçon.

 

 

F Le géant aux chaussettes rouges, de Gripari :

 

 

-         Lecture à voix haute par le prof. Les élèves prennent des traces de lecture, c'est à dire dessinent , écrivent, pour se souvenir de l'istoire.

 

-         Ensuite: Texte-puzzle à trous : remettre les épisodes dans l’ordre et compléter les blancs On peut s'aider des traces de lecture.

 

 

 

 

LE GEANT AUX CHAUSSETTES ROUGES

in La sorcière de la rue Mouffetard, Pierre GRIPARI

 

 

Quand il eut bu, il attendit. Or, non seulement il garda la même taille, mais ses chaussettes, de rouges qu’elles étaient, devinrent vertes.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

Cependant, il finissait de sortir de terre. Il retapait son pantalon lorsque survinrent le maire du village et monsieur le curé.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

- Ecoutez, dit le curé, vous m’êtes sympathique. Allez voir de ma part le grand sorcier chinois.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

Il n’avait pas plus tôt dit ça qu’il sortait de l’église, an chaussettes rouges et en bel habit noir, avec Mireille à son côté, toute vêtue de blanc.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

Au premier coup de cuillère, la maison se mit à trembler.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

- C’est bien, dit le curé, radouci. Je vois qu’au fond vous n’êtes pas méchant.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

Trois mois plus tard, le géant arrivait en Bretagne.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

 

- Qu’est-ce que je vais devenir ? Je ne suis plus géant, et, sans mes chaussettes rouges, je ne suis plus rien du tout !

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Le géant bu, et… en effet. Il revint à sa taille ordinaire.

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Un mois plus tard, le géant arrivait à Rome.

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Il était une fois un géant qui avait des chaussettes rouges.

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- Eh bien, dites-lui, à votre géant, qu’il donne ses chaussettes au blanchisseur et qu’il aille se tremper les deux pieds dans la mer en invoquant mon nom.

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G Groupement de textes

(travail de groupes) :

-         Lecture de 7 textes pour compléter un tableau récapitulatif.

a) Gulliver chez les géants

 

Gulliver, après avoir essuyé une violente tempête, se jette dans une barque pour descendre à terre. Abandonné par ses compagnons, ter­rorise à la vue d’un des habitants, Gulliver va se cacher dans la forêt que forment pour lui les tiges d’un champ de blé. Un paysan le découvre et l’apporte au fermier. Terrorisé, le voyageur doit multiplier les politesses et les courbettes devant le paysan et sa famille. Il est invité à partager un repas...

 

La maîtresse envoya sa servante chercher une petite tasse qui servait à boire des liqueurs, et qui contenait environ douze pintes[1], et la remplit de boisson. Je levai le vase avec une grande difficulté ; et, d’une manière très respectueuse, je bus à la santé de madame, prononçant les mots aussi fortement que je pouvais en anglais ; ce qui fit faire à la compagnie de si grands éclats de rire, que peu s’en fallut que je n’en devinsse sourd.

Cette boisson avait à peu près le goût du petit cidre, et n’était  pas désagréable. Le maître me fit signe de venir à côté de mon assiette de bois ; mais, en marchant trop vite sur la table, une petite croûte de pain me fit broncher[2] et tomber sur le visage, sans pourtant me blesser. Je me levai aussitôt ; et, remarquant que ces bonnes gens étaient fort touchés de mon accident, je pris mon chapeau, et, le faisant tourner sur ma tête, je fis trois acclamations pour marquer que je n’avais point reçu de mal ; mais comme je m’avançais vers mon maître (c’est le nom que je lui donnerai désormais), le dernier de ses fils, qui était assis le plus près de lui, et paraissait avoir environ dix ans et être très malin, me prit par les jambes, et me tint si haut dans l’air, que je tremblai de tout mon corps. Son père m’arracha de ses mains, et en même temps lui donna sur l’oreille gauche un soufflet[3] qui aurait suffi à ren­verser un escadron de cavalerie européenne, et lui ordonna de se lever de table ; mais, ayant à craindre que le garçon ne gardât quelque ressentiment[4] contre moi, et me souvenant que tous les enfants chez nous sont naturellement méchants à l’égard des oiseaux, des lapins, des petits chats et des petits chiens, je me mis à genoux ; et montrant le petit garçon, je me fis entendre à mon maître autant que je pus, et le priai de pardonner à son fils. Le père y consentit, et l’enfant reprit sa chaise alors je m’avançai jusqu’à lui, et lui baisai la main.

Au milieu du dîner, le chat favori de ma maîtresse sauta sur elle. J’entendis derrière moi un bruit ressemblant à celui de douze métiers à bas[5] et, tournant la tête, je vis que c’était un chat qui faisait ce qu’on appelle le rouet[6]. Il me parut trois fois plus gros qu’un boeuf, à en juger par sa tête et une de ses pattes, que j’aper­çus pendant que sa maîtresse lui donnait à manger et lui faisait des caresses. La physionomie ­féroce de cet animal me déconcerta tout à fait, quoique je me tinsse8 au bout le plus éloigné de la table à la distance de cinqu­ante pieds[7], et quoique ma maîtresse tînt le chat de peur qu il ne s’élançât sur moi ; mais il n’y avait point de danger ; car mon maître plaça à trois pieds du matou, et celui-ci ne fit pas la moindre attention à moi. D’ailleurs, je savais que lorsqu’on fuit devant un animal féroce, ou qu’on paraît avoir peur, on est infailliblement poursuivi ; je résolus donc de faire bonne contenance devant le chat, et de ne point paraître craindre ses griffes. Je marchai hardiment devant lui, et je m’avançai jus­qu’à dix-huit pouces[8], ce qui le fit reculer comme s’il eût eu lui-même peur de moi. J’eus moins d’appréhension des chiens. Trois ou quatre entrèrent dans la salle, parmi lesquels il y avait un mâtin[9] d’une grosseur égale à celle de quatre éléphants, et un levrier plus haut que le mâtin, mais moins gros.

Sur la fin du dîner, la nourrice entra, portant dans ses bras un enfant de l’âge d’un an, qui, aussitôt qu’il m’aperçut, poussa des cris. L’enfant, me regardant comme une poupée, criait afin de m’avoir pour lui servir de jouet. La mère, par pure faiblesse, me mit à la portée de l’enfant, qui se saisit bientôt de moi, et mit ma tete dans sa bouche, où je commençai à hurler si horriblement, que l’enfant effrayé me laissa tomber et je me serais infaillible­ment cassé la tête, si la mère n’avait pas tenu son tablier sous moi. La nourrice, pour apaiser son poupon, se servit d’un hochet, sorte de vaisseau[10] creux rempli de grosses pierres, et attaché par un câble au milieu du corps de l’enfant ; mais cela ne put le cal­mer, et elle se trouva réduite à se servir du dernier remède, qui fut de lui donner à téter.

 

 

b) « Moi,j’ai faim! »

 

Sophie vient d’être enlevée par un géant, alors qu’elle s’était levée, la nuit pour regarder par la fenêtre du dortoir de l’orphelinat où elle vit.

 

Le géant étendit le bras et roula la pierre de côte aussi facilement que s’il s’était agi d’un ballon de football, découvrant ainsi un énorme trou noir. Un trou si grand que le géant n’eut même pas besoin de baisser la tête pour le franchir. Il avança d’un pas dans les ténèbres, portant tonjours Sophie d’une main et, de l’autre, sa trompette et sa valise.

Dès qu’il fut à l’intérieur, il se retourna et roula la pierre dans l’autre sens pour la remettre en place. L’entrée de sa caverne était ainsi complètement invisible du dehors. Et maintenant que l’ouverture était bouchée, il n’y avait plus le moindre rayon de lumière dans la grotte. Tout était noir.

Sophie sentit qu’on la descendait vers le sol. Le géant en effet déposa la couverture par terre et en lâcha les coins. Puis ses pas s’éloignèrent et la fillette, tremblante de peur, resta assise dans l’obscurité.

« Il s’apprête à me manger, pensa-t-elle, il va probablement me dévorer toute crue. Ou peut-être me fera-t-il bouillir. Ou frire. Il va me jeter comme une tranche de lard dans quelque gigantesque poêle pleine de beurre grésillant. »

Un torrent de lumière illumina soudain l’endroit. Sophie cligna des yeux et regarda autour d’elle. Elle vit une haute et immense caverne au plafond de roc. [...] Au beau milieu trônaient une table haute de quatre mètres et une chaise en proportion.

Le géant ôta sa cape noire et la pendit au mur. Sophie remarqua qu’il portait sous la cape une sorte de chemise sans col ainsi qu’un vieux gilet de cuir sale qui semblait entièrement dépourvu de boutons. Il avait également un pantalon d’une couleur vert délavé, beaucoup trop court pour ses jambes. Ses pieds nus étaient chaussés d’une paire de sandales ridicules percées de trous sur les côtés avec à chaque bout un trou plus grand par lequel dépassaient ses orteils.

Sophie, vêtue de sa chemise de nuit, se tenait accroupie sur le sol de la caverne et observait le géant à travers ses épaisses lunettes à monture d’acier. Elle tremblait comme une feuille en plein vent, avec l’impres­sion qu’un doigt glacé lui parcourait l’échine de haut en bas.

« Ha! s’écria le géant qui s’avança vers elle en se frottant les mains, voyons un peu ce qu’on a rapporté là, vous autres!»

Et sa voix tonitruante résonnait dans la caverne en roulant comme un tonnerre.

Le géant ramassa d’une main Sophie qui ne cessait de trembler et l’emmena au milieu de la caverne pour la poser sur la table.

« Cette fois, ça y est, il va me dévorer pour de bon», pensa Sophie.

Le géant s’assit sur la chaise et la regarda avec insistance. Ses oreilles étaient vraiment démesurées. Chacune avait la taille d’une roue de camion et il avait le pouvoir de les remuer à sa guise en les écartant de sa tête ou en les rabattant en arrière.

- Moi,j’ai faim ! gronda le géant.

Puis il se mit à sourire, en découvrant d’immenses dents carrées. Elles étaient très carrées et très blanches et semblaient plantées dans ses mâchoires comme d’énormes tranches de pain de mie.

- S’il... S’il vous plaît, ne me mangez pas... bredouilla Sophie. Le géant éclata d’un rire retentissant.

- Alors, parce que moi, c’est un géant, tu crois que c’est un gobeur d'hommes canne à balles ? s’exclama-t-il.

 

Roald Dahl, Le Bon Gros Géant, traduction Camille Fabien,

Gallimard Jeunesse, 1997

 

 

d) ABOMINABLE

 

 

Sur un geste d’adieu lancé aux Sherpas[11] qui allaient bivouaquer[12] là et le laisser pousser plus loin seul, SirChauncey Atherton partit. Ils étaient en pays d’Abo­minables Hommes des Neiges, à quelques centaines de kilomètres au nord de l’Everest[13] (dans l’Hima­laya). Des Abominables Hommes des Neiges, on en apercevait à l'occasion sur l’Everest et sur d’autres montagnes du Tibet et du Népal ; mais le mont Oblimov[14], au pied duquel Sir Chauncey quit­tait ses guides indigènes, en grouillait tellement que les Sherpas eux-mêmes se refusaient à s’y aventurer, préférant attendre son retour au cas où retour il y aurait. Il fallait être courageux pour aller au-delà de ce point. Sir Chauncey était courageux.

Sir Chauncey était grand coureur de jupons et néanmoins porté sur le discernement[15] (ce qu’en langue américaine on nomme un « connaisseur en femmes ») ; c’était d’ailleurs la raison pour laquelle il était là, sur le point de tenter, seul, non seulement une ascension dangereuse mais aussi un sauvetage plus dangereux encore. Si Lola Gabraldi était encore en vie, elle était captive d’un Abominable Homme des Neiges.

Lola Grabaldi, Sir Chauncey ne l’avait jamais vue en chair et en os. En fait il y avait moins d’un mois qu’il avait appris son existence en voyant l’unique film dont elle avait été la vedette et par la grâce duquel elle était devenue soudain un être fabuleux, la femme la plus belle de la Terre, la plus éblouissante de toutes les stars de cinéma que l’Italie eût jamais produites, et Sir Chauncey trouvait miraculeux que même l’Italie ait été capable de la produire. En un seul film elle avait supplanté B.B., Lollobrigida et Anita Ekberg[16] dans la fonction de femme parfaite à l’usage de tous les connaisseurs en femmes de partout. Et Sir Chauncey était le plus grand de tous les connaisseurs. A peine l’eut-il vue sur l’écran qu’il avait compris la nécessité soit de la connaître en chair et en os, soit de mourir en tentant de la connaître.

Mais à ce moment-là Lola Gabraldi avait déjà disparu. Après son premier film elle avait choisi, pour se reposer, un voyage aux Indes où elle avait rejoint un groupe d’alpinistes sur le point de tenter l’assaut du mont Oblimov. Le reste du groupe était revenu, mais Lola non. Un des alpinistes avait déclaré l’avoir vue, trop éloignée pour être secourue, qui se faisait enlever toute hurlante par une créature à apparence plus ou moins humaine, haute de 2,75 mètres, et toute velue. Un Abominable Homme des Neiges.

Le groupe avait passé plusieurs jours à la rechercher, avant d’y ­renoncer et de rentrer en pays civilisé. Tout le monde était d’accord sur le fait qu’il ne restait plus l’ombre d’une chance de la retrouver vivante.

Tout le monde sauf Sir Chauncey, qui avait sauté dans le premier avion pour l’Inde.

Il se frayait maintenant son chemin, très haut dans les neiges éternelles. Et en plus de l’équipement d’alpiniste il portait le lourd fusil avec lequel il avait, l’année précédente, tué des tigres au Bengale. S’il pouvait tuer des tigres, se disait-il, ce fusil pourrait tuer des Hommes des Neiges.

La tempête de neige faisait rage pendant qu’il montait vers les nuages. Et soudain, à une douzaine de mètres devant, c’est-à-dire à la limite de visibilité, il aperçut une silhouette monstrueuse, pas tout à fait humaine, Il leva son fusil et tira. La créature tomba et continua à tomber car elle était tombée d’une corniche[17] surplom­bant plus d’un millier de mètres de néant.

Et, au moment où retentissait le coup de feu, des bras se refer­mèrent, de derrière, autour de Sir Chauncey. Des bras épais, velus. Et puis, pendant qu’un des bras le maintenait sans effort, l’autre prit le fusil et le plia sans plus d’effort que s’il se fût agi d’un cure-dents, puis le rejeta.

Une voix se fit entendre, venant d’un point situé à deux bons pieds au-dessus de la tête de Sir Chauncey.

-         Ne bougez pas, et il ne vous sera fait aucun mal.

Sir Chauncey était un homme courageux, mais malgré le ton et le sens rassurant de ces paroles il ne put faire entendre qu’un petit cri de souris. Et il était si fermement maintenu qu’il n’était pas question pour lui de se retourner et de lever la tète pour voir le visage de l’étre qui lui parlait.

- Laissez-moi vous expliquer, dit la voix surplombante; nous, que vous appelez Abominables Hommes des Neiges, sommes des humains, mais mutés[18]. Il y a pas mal de siècles de cela, nous étions une tribu, comme les Sherpas. Nous eûmes la chance de découvrir une drogue qui nous permit de modifier notre corps, de nous adapter aux grands froids et à l’altitude par un accroissement de la taille, une pousse de poils et diverses modifications physiologiques[19], cela nous permit de nous installer très haut dans les montagnes, dans des régions où les autres humains ne sauraient survivre sinon en de brèves expéditions d’exploration. Vous me suivez?

- Ou-ou-ou-i, parvint à dire Sir Chauncey.

Il            reprenait un peu espoir d’ailleurs. Pourquoi cet être lui expli­querait-il tout cela, s’il avait l’intention de le tuer ?

- Je vais donc poursuivre, dit l’être. Nous sommes peu nom­breux, et notre nombre décroît sans cesse. C’est la raison pour laquelle de temps à autre nous nous saisissons, comme nous nous sommes saisis de vous, d’un alpiniste. Nous lui administrons le médicament mutateur[20], il passe par les modifications physiolo­giques et devient un des nôtres. Grâce à cela nous nous mainte­nons en nombre relativement constant.

- M-m-mais qu’est-ce que... est-ce que c’est ce qu’est devenue la femme que je cherche, Lola Gabraldi ? Est-elle maintenant... euh... haute de 2,50 mètres, velue et...

- C’est ce qu’elle était. Vous venez de la tuer. Un des nôtres en avait fait sa compagne. Nous ne nous vengerons pas sur vous de l’événement mais vous devez maintenant prendre sa place.

- « Prendre sa place? » Mais... mais je suis un homme.

- Dieu en soit loué, dit la voix surplombante.

Sir Chauncey se sentit prestement retourné et serré contre un immense corps velu, son visage à la hauteur des énormes seins velus entre lesquels il était enfoui...

- Dieu soit loué, parce que je suis une Abominable Femme des Neiges.

Sir Chauncey s’évanouit, fut empoigné et, tel un petit chien de salon, emporté sous le bras de sa compagne.

Fredric Brown, Fantômes et farfafouilles.

 

e) LA MARE DE LARMES

 

"De meilleur en meilleur! » s’écria Alice (elle était si surprise qu’elle oubliait de parler correctement).« Voilà maintenant que je m’allonge comme le plus grand télescope du monde! Au revoir, mes pieds ! »  (Car ses pieds étaient si loin qu’ils lui paraissaient presque invisibles.) «  Oh ! mes pauvres petits pieds chéris, qui vous mettra vos souliers et vos bas désor­mais ? Sûrement pas moi ! Je serai bien trop loin pour prendre soin de vous. Vous vous débrouillerez comme vous pourrez. »

« Mais il faut que je sois gentille avec eux, pensa Alice, sinon ils ne me mèneront plus où je voudrai ! Voyons ! je leur offrirai une belle paire de chaussures à chaque Noël. » Et elle se demanda comment elle s’y prendrait. « Je les leur enverrai par le facteur, pensa-t-elle. Comme ce sera amusant d’envoyer des cadeaux à ses propres pieds ! Et comme l’adresse sera étrange !

 

 

MONSIEUR LE PIED DROIT D’ALICE

Tapis de Cheminée

Près du Garde-Feu

Avec toute l’affection d’Alice.

 

 

«  Oh, mon Dieu ! Quelles bêtises suis-je donc en train de dire ! » C’est alors que sa tête heurta le plafond du corridor. En effet, elle mesurait maintenant près de trois mètres de haut. Immédiatement, elle prit la petite clef d’or et se précipita vers la porte du jardin.

Pauvre Alice ! Tout ce qu’elle put faire fut, en se couchant sur le côté, de glisser un regard dans le jardin. Mais, quant à s’y glisser elle-même, il n’y fallait pas songer. Elle s’assit par terre et se mit de nouveau à pleurer. « Vous devriez avoir honte, dit Alice, une grande fille comme vous (c’était le cas de le dire), pleurer de la sorte! Cessez immédiatement, je vous prie ! » Mais elle continua tout de même à verser des torrents de larmes, si bien qu’il se forma une grande mare autour d’elle, d’environ dix centimètres de profondeur et recouvrant la moitié du corridor.

Au bout d’un moment, elle entendit un léger bruit de pas dans le lointain et elle s’essuya hâtivement les yeux pour voir ce qui arrivait. C’était le Lapin Blanc qui revenait, superbement habillé, une paire de gants de chevreau blanc dans une main et dans l’autre un grand éventail. Il paraissait très pressé et marmottait tout en trottant : « Oh! la Duchesse, la Duchesse ! Ah ! elle sera folle de rage, si je la fais attendre ! » Alice se sentait si désespérée qu’elle était prête à demander l’aide de n’importe qui. Aussi, quand le Lapin Blanc fut près d’elle, elle commença d’une voix faible et timide : «S’il vous plaît, mon­sieur... » Le Lapin sursauta violemment, lâcha les gants de chevreau blanc et l’éventail, et s’enfuit précipitamment dans l’obscurité.

Alice ramassa l’éventail et les gants, et, comme il  faisait très chaud dans le corridor, elle s’éventa tout en parlant : « Mon Dieu, mon Dieu ! Comme tout est bizarre aujourd’hui! Hier tout était si normal. Je me demande si je n’ai pas été changée pendant la nuit ? Réfléchissons : étais-je la même quand je me suis levée ce matin? Je crois presque me rappeler que je me sentais un peu différente. Mais, si je ne suis pas la même, la question est de savoir qui je suis. Ah ! C’est là le grand problème ! » […]

En disant ces mots, elle regarda ses mains et fut surprise de voir qu’en parlant elle avait enfilé un des gants blancs du Lapin.

«  Comment cela se fait-il? pensa-t-elle. J’ai dû rapetisser. »

Elle se leva et alla se mesurer à la table. Il lui sembla, autant qu’elle pouvait en juger, qu’elle n’avait plus maintenant qu’environ soixante cen­timètres de haut et qu’elle continuait à diminuer rapidement. Elle comprit bientôt que la cause de tout cela était l’éventail qu’elle tenait à la main. Elle le lâcha juste à temps pour éviter de disparaître complètement.

«  Je l’ai échappé belle ! » se dit Alice, effrayée de ce brusque changement, mais très contente d’être encore en vie.

« Et maintenant, au jardin! »  Et elle courut à toute vitesse vers la petite porte. Mais, hélas! la petite porte s’était refermée, et la petite clef d’or était tou­jours sur la table de verre.

«Tout va de plus en plus mal, pensa la pauvre enfant, car je n’ai encore jamais été si petite, jamais! Je n’ai vraiment pas de chance, ah, non alors! »

A ces mots, son pied glissa, et plouf ! elle s’enfonça       dans l’eau salée jusqu’au menton. Sa première pensée fut qu’elle était tombée dans la mer. «Dans ce cas, je peux rentrer par le train », se dit-elle. (Alice était allée au bord de la mer une seule fois dans sa vie et en avait conclu que partout, le long des côtes, on trouve des cabines, des enfants qui creusent le sable avec des pelles de bois, une rangée de villas, et, derrière, une gare.)       Cependant, elle comprit bientôt qu’elle était dans la mare formée par les larmes qu’elle avait versées,                                                  
lorsqu’elle mesurait trois mètres de haut. Je voudrais bien ne pas avoir tant pleuré ! se dit Alice en nageant. Je vais en être bien punie maintenant ; je vais me noyer dans mes propres larmes! Ça sera une chose pas ordinaire, c’est certain ! Mais rien de ce qui m’arrive aujourd’hui n’est ordinaire. »

Juste à ce moment-là, elle entendit quelque chose qui barbotait dans la mare, tout près d’elle. Elle s’approcha, pour voir ce que c’était. D’abord, elle pensa que c’était un Morse ou un Hippopotame ; mais, quand elle se souvint qu’elle était toute petite, elle            comprit que c’était une souris qui avait glissé comme elle.           
   

Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll.

 

f) L'enfant minuscule et géante

 


«Non», dit la mère de Marion, «il est trop tard pour aller jouer chez. Sandrine.»

Marion n’était pas contente. Elle se mit au lit avec son livre «Alice au Pays des Merveilles». Dans ce livre, Alice rapetissait ou grandissait en mangeant un champignon.

« Si je pouvais en faire autant ! » pensa Marion. « Je rapetisserais et je me glisserais sous la porte ! Ou bien je grandirais et je descendrais du premier étage par la fenêtre!»

Une petite voix l'interpella tandis qu'elle somnolait: «Veux-tu un morceau de champignon?» C'était un dessin de son livre qui venait de s'animer : Alice lui offrait un morceau de champignon magique. «Quel rêve agréable ! » pensa Marion.

« Mange ! » disait le dessin. « C'est un champignon au chocolat. » « Et aux noisettes ? » demanda Marion. Elle mordit le morceau de champignon, et sentit aussitôt des fourmillements dans ses jambes et dans ses bras, des grouillements et des tassements, et en même temps, elle vit que son livre grandissait. «Que se passe-t-il ? » se dit Marion. « Mon livre grandit ! »

« C'est toi qui rapetisses ! » dit le dessin. « Mais ? » s'inquiéta Marion en voyant le dessin devenir de plus en plus grand, énorme même, immense. « Est-ce que je vais rétrécir encore beaucoup ? »

Quand le rétrécissement s'arrêta, Marion se trouvait à côté d'une haute colline blanche et d'un grand immeuble plat. Elle se demandait où elle était. Elle réalisa que la colline était l'oreiller de son lit, et que l'immeuble était le livre. « Bon », se dit-elle, « je vais pouvoir sortir sans être vue en passant sous la porte. »

Elle se laissa glisser au bas de son lit ; c'était amusant, il suffisait de s'asseoir en haut de la grande pente des draps qui tombait doucement Jusque sur la moquette. Marion fit une glissade fantastique ; c'était bien mieux qu'aux sports d'hiver !

Elle s'orienta. Il y avait de la lumière sous la porte de sa chambre ; ses parents devaient être encore dans la salle de séjour. Tant pis ! Ils ne la verraient pas ! Elle était devenue si petite ! Minuscule !

Elle riait. Elle se glissa sous la porte à plat ventre, et entra dans la salle de séjour. Une plaine immense s'étendait devant elle, aux hautes herbes rouges, vertes, bleues : c'étaient les brins de laine du tapis. Marion s'y aventura ; ils étaient plus hauts qu'elle ! C'était amusant. Mais ? Quel était ce tintamarre qui faisait trembler le sol ? Boum! Boum! Boum ! Un vacarme régulier, effrayant ! Boum ! Boum ! Holà ! D'où venait cette ombre gigantesque ! Vite, Marion courut à l'écart ! Mais le bruit continuait ! Boum ! Boum ! Boum ! Ah! L'ombre immense se dessinait au-dessus de la fillette minuscule ! Un pied ! Un pied formidable ! Celui de son père qui traversait la salle de séjour ! Ah ! Le pied descendait ! Il allait se poser ! L'écraser sans la voir ! Marion courut, courut, vite, vite ! Elle plongea dans les hautes herbes de laine ! Et Boum ! Le pied retomba juste à côté d'elle ! Marion tremblait de peur ! Boum ! Boum ! Son père s'éloignait, comme un colosse.

« C'est trop dangereux ! » murmura Marion. « Je retourne dans mon lit ! » Ce qu'elle fit. Mais comment y remonter ? Par chance, le dessus de lit était en grosse laine tricotée. En s'accrochant aux points, Marion entreprit l'escalade, et parvint au sommet de cette montagne. De là, elle se dirigea vers la colline blanche de son oreiller. Elle grimpa ensuite sur le livre. Elle était devenue si petite qu'elle ne distinguait pas le dessin d'Alice sur la page.

« Alice ! » appela-t-elle. « Aide-moi ! Je voudrais grandir ! » «D'accord ! »

(La voix d'Alice était très puissante, on aurait pu croire qu'elle venait d'un haut-parleur : mais c'était parce que Marion était très petite.)

« Mange un peu de ce champignon-là ! » dit Alice. «Il est au caramel ! » « Il est délicieux ! » dit Marion en le croquant. Elle sentait ses membres s'étirer, la colline redevenait un oreiller, l'immeuble un simple livre. Mais ? Pourquoi ce livre devenait-il si petit ? Pas plus gros qu'une boîte d'allumettes ! Hé ? Marion fut obligée de soulever ses pieds pour ne pas heurter le bout du lit ! En même temps, ses bras s'allongeaient, elle fut forcée de les plier. Sa tête heurta le mur de la chambre. Aïe ! Alors Marion se souleva, et cette fois sa tête se cogna au plafond ! Aïe ! Son genou toucha l'armoire ! Son coude accrocha le bureau ! Holà ! Marion grandissait encore ! Elle ne savait plus où se mettre ! Elle était déjà toute roulée en boule, les jambes repliées sous elle, les bras serrés autour des genoux ! Alors elle poussa les volets pour passer une main au-de-hors !

Dans la rue, elle entendit le coup de frein brutal d'une voiture, et le choc de poubelles renversées. Un accident. Marion rentra vite sa main dans la chambre. Dehors, l'homme et la femme accidentés se disputaient :

«Je te dis que j'ai vu une main énorrrrrrme ! » disait l'homme.

« Pourquoi pas un éléphant rosé ! » protestait la femme.

La voiture repartit. Marion n'osait plus bouger. Elle était tassée dans sa chambre comme un diable dans une boîte. Elle cherchait son livre ; il n'était pas plus gros, pour elle, qu'une tête d'épingle. « C'est malin ! » chuchota Marion. « C'est ta faute ! Tu voulais grandir ! » dit une toute petite voix, très très faible. (En réalité, quand Marion rapetissait, la voix d'Alice était forte ; mais quand elle grandissait, la voix d'Alice était à peine audible. Celle de Marion, en revanche, était devenue puissante, et la fillette s'appliquait à baisser la voix car elle chuchotait comme le bruit de la mer en Bretagne ! ) «Je vais te donner du champignon à grandir ET du champignon à rapetisser en même temps ! » proposa le dessin d'Alice. «Tu feras ton dosage toi-même ! »

« Merci », dit Marion. (Mais elle se tut aussitôt car sa voix résonnait comme un coup de tonnerre ! ) Marion prit le morceau de champignon. D'un côté, il faisait rapetisser, de l'autre, il faisait grandir. « Je vais rapetisser un peu », calcula-t-elle, « juste ce qu'il faut pour sortir par la fenêtre. »

Et c'est bien ce qu'elle fit. Elle passa le pied au-dehors. Elle avait un peu rapetissé, mais elle était encore assez, grande pour que son pied touche le trottoir alors qu'elle habitait le premier étage. Elle sortit dans la rue, elle se mit en marche, c'était un beau soir de printemps.

Or, à la même heure tardive, M. Bertrand, le journaliste qui demeurait aussi rue Marcel-Aymé, était allé promener son chien. Marion leur adressa un petit bonsoir, de la main. Mais pourquoi faisaient-ils une tête pareille ? Machinalement, Marion regarda derrière elle pour chercher ce qui les étonnait. Elle ne vit rien. Elle s'avança vers eux. Mais le chien s'enfuit en aboyant. M. Bertrand courut après. «Ce chien est un poltron ! » pensa Marion. « Je me demande ce qui l'effraie ! »

Elle arriva place de la Contrescarpe. Des touristes étrangers buvaient à la terrasse d'un café. Ils chantaient en tapant dans leurs mains.

« Ils sont gais ! » pensa la fillette en les découvrant.

Mais pourquoi se taisaient-ils subitement ? Qu'avaient-ils à la dévisager comme ça, bouche bée ? Ils n'avaient donc jamais vu de petite fille !

Quand Marion s'avança vers eux, ils s'enfuirent en criant « maman » dans toutes les langues ! Ce fut une affreuse débandade ! Certains tombèrent, d'autres les piétinèrent ! M.Bertrand, le journaliste, qui avait rattrapé son chien et l'avait enfermé chez lui, était revenu avec un appareil photographique. Il traversa la place en photographiant la fillette, mais au premier pas qu'elle fit dans sa direction, il s'enfuit rejoindre les touristes. Le petit groupe apeuré se tenait bien serré dans la rue Blainville, et tout le monde regardait Marion.

« Pourquoi me regardez-vous comme ça ? » leur dit-elle. « Je ne suis pas un train ! »

Sa voix roulait comme les chutes du Niagara ! Tout le monde recula en se bouchant les oreilles, et Marion s'avança. Elle découvrit l'image d'un pied reflété dans la vitrine d'un café. Ce pied était un pied géant.

« Oh ! Qu'est-ce que c'est ? » pensa Marion en s'arrêtant, apeurée.

Et alors, elle réalisa que c'était son pied ! Elle se regarda et poussa un cri ! Elle était aussi haute que les arbres de la place ! Sa tête était au niveau du troisième étage des immeubles ! Et justement, un locataire du troisième étage ouvrit sa fenêtre pour prendre l'air ! Il se trouva en face des yeux de Marion aussi gros que deux ballons de football ! Il referma ses volets en hurlant comme un cochon qu'on mène à l'abattoir ! Marion l'entendit fermer aussi la fenêtre, les rideaux, puis tirer l'armoire et le lit devant la fenêtre pour se barricader.

« il vaut mieux que je rentre à la maison », se dit Marion prudemment.

Elle fit demi-tour. Immédiatement, les touristes débouchèrent de la rue Blainville et s'aventurèrent sur la place. M. Bertrand, le journaliste, photographiait la fillette géante qui marchait à grands pas et faisait trembler la rue comme son père tout à l'heure faisait trembler le plancher de la salle de séjour. Alors elle voulut rétrécir. Vite ! Un morceau de champignon ! Délicieux ! Quel bon goût de caramel ! Caramel ? Heu... Marion s'était trompée ! Voilà qu'elle grandissait encore! Sa tête dépassait les toits des immeubles ! Gigantesque !

Marion se mit à courir ! Ses pas ébranlaient tellement la rue que des tuiles et des ardoises tombaient des toitures ! Vite ! Vite ! Il fallait fuir! La géante faisait des enjambées extraordinaires, et distançait ses poursuivants! Après un tour du pâté de maisons pour les égarer, elle revint rue Marcel-Aymé, et sauta par-dessus le mur de l'école pour se cacher dans la cour ! Et Hop ! Elle s'y accroupit en retenant son souffle. Ses poursuivants passèrent, s'éloignèrent. Ils criaient: « Une géante ! Elle mesure 30 mètres de hauteur ! Affreuse ! Avec des dents de monstre ! Une ogresse ! » (Là, franchement, ils exagéraient ! Marion eut envie de se lever pour le leur dire, mais elle n'en fit rien.)

La rue redevint silencieuse. Alors Marion se leva, franchit le mur de l'école en sens inverse, et gagna la fenêtre de sa chambre. Elle grignota du champignon à rétrécir, qui avait le goût de chocolat. Et quand elle eut rétréci jusqu'à la hauteur de sa fenêtre, elle s'agrippa au rebord et sauta dans sa chambre. Elle se coucha tout de suite en continuant de manger. Elle retrouva sa taille normale.

«As-tu fait une bonne promenade ? » lui demanda le dessin d'Alice. « Excellente », répondit Marion poliment. Elle s'endormit très fatiguée. Sa mère eut du mal à l'éveiller le lendemain matin.

« Maman », dit Marion, « sais-tu ce que j'ai fait cette nuit ? Je me suis promenée dans les rues et je mesurais 30 mètres de hauteur. »

« Ah, très bien », dit la mère. « Dépêche-toi, tu vas être en retard. »

Et Marion partit pour l'école. Quel rêve elle avait fait ! Pourtant ? D'où lui venait cette bosse à la tête ? Et d'où venait cette empreinte de pied gigantesque enfoncée dans le goudron, que ses camarades contemplaient dans la cour de l'école ? Et d'où venait, dans le journal, cette photographie d'une géante en première page, une photo heureusement très mal éclairée ?

Mais les gens souriaient en hochant la tête, car c'était aujourd'hui le premier jour du quatrième mois de l'année:

«Ces journalistes! Ils inventeraient n'importe quel trucage pour faire un poisson d'avril !

 

Yack Rivais Impossible  Ecole des Loisirs.

 

 

g) Polyphème a faim

 

Le voici qui revient, ramenant son troupeau : il porte à pleine charge un tas de branches mortes, pour le feu du souper: sous la voûte, il les jette avec un tel fracas qu’éperdus, nous fuyons au fond de la caverne. Il fait alors entrer dans cette vaste salle tout le trou­peau dodu des femelles à traire ; mais il laisse au-dehors, dans le creux de la cour, les boucs et les béliers. Puis il ferme l’entrée avec un gros rocher qu’il lève et met debout : même avec vingt-deux hauts fardiers[21] à quatre roues, on n’eût pas fait bouger cette pierre du sol.

Quand il a pour portail ce roc infranchis­sable, il s’assied et se met à traire d’affilée tout

 son troupeau bêlant de brebis et de chèvres [...]. Ce travail achevé, et ce ne fut pas long, il ranime le feu, nous voit et nous demande:

POLYPHÊME : - Étrangers, votre nom? D’où nous arrivez-vous sur les routes des ondes? Faites-vous le commerce ?... N’êtes-vous que pirates qui, follement, courez et croisez sur les flots et, risquant votre vie, vous en allez piller les côtes étrangères?

Il disait. Nous sentions notre coeur éclater, sous la peur de ce monstre et de sa voix ter­rible. Mais que faire?... Je prends la parole et lui dis:

ULYSSE. - Nous sommes Achéens. Nous revenions de Troie. [...] Mon navire est brisé : oui! l’Ebranleur du sol, Poséidon, l’a jeté sur les roches du cap, au bout de votre terre, où nous poussa le vent qui nous portait du large ; seuls, ces amis et moi avons sauvé nos têtes.

Je disais, et ce coeur sans pitié ne dit mot. Mais, sur mes compagnons s’élançant, mains ouvertes, il en prend deux ensemble et, comme petits chiens, il les rompt contre terre ; leurs cervelles, coulant sur le sol, l’arro­saient ; puis, membre à membre, ayant déchi­queté leurs corps, il en fait son souper ; à le voir dévorer, on eût dit un lion, nourrisson des montagnes ; entrailles, viandes, moelle, os, il ne laisse rien.

 

Homêre, L’Odyssée,

 

DES TEXTES ET DES GEANTS

 

TITRE

du texte

et

du livre dont il est extrait

Présentation du

PERSONNAGE

PRINCIPAL

(nom, situation familiale, âge, …)

PORTRAIT

du géant

(comment est le géant : physique, vêtement, façon de parler, …)

 

RÔLE

du géant

dans le texte

 

Résumé de l'histoire en quelques lignes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 



[1] Douze pintes : six litres environ.

[2] Broncher : faire un faux pas, surtout en parlant des chevaux.

[3] Soufflet : gifle.

[4] Ressentiment : rancune.

[5] Métier à bas : métier a tisser les bas.

[6] Rouet : instrument àroue qui sert à filer la laine. Le chat faisait le rouet, il ronronnait

[7] Cinquante pieds : un mètre cinquante environ.

[8] Dix-huit pouces : cinquante centimètres.

[9] Mâtin : gros chien de garde.

[10] Vaisseau : sens vieilli récipient, petit vase.

[11] Sherpas: peuple montagnard du Népal.

[12] Bivouaquer: camper en plein air.

[13] Everest: le sommet le plus élevé du monde (8 848 m), dans la chaîne de l’Himalaya.

[14] Mont Oblimov: montagne imaginaire.

[15] Discernement: sens critique.

[16] B.B.. Lollobrigida et Anita Ekberg: célébres stars de cinéma des années 50-60.

[17] Corniche : versant vertical en pente abrupte.

[18] Mutés changés génétiquement, dotés de caractères héréditaires nouveaux.

[19] Physiologiques: qui concernent le fonctionnement du corps.

[20] Mutateur (néologisme) qui a la propriété de faire changer les génes, ou la structure des chromosomes.

 

[21] Fardier: chariot servant à transporter des fardeaux, des charges très lourdes (blocs de pierre, troncs d’arbres...)