MEMOIRES D’UN ANCIEN DYSORTHOGRAPHIANT Avant de vous relater mes déboires avec l’orthographe, je vais vous expliquer comment j’ai appris à lire ou plus exactement comment j’ai su lire. La lecture n’étant pas encore à mon programme de très jeune élève, j’étais intrigué à chaque récré du midi par le dessin que faisait un monsieur au tableau de la grande salle, salle qui regroupait les trois ou quatre niveaux d’un village international perdu dans les montagnes iraniennes. N’ayant pas repéré immédiatement ce petit manège, j’ai du prendre le train en route et me souviens bien d’un « F » aux allures de fête avec rubans à la craie de couleurs suivi à distance de ces quatre signes "f ê t e". Quelques jours plus tard, je collais mes mains à la vitre pour éviter les reflets du soleil et j’ai vu se dessiner lentement et méticuleusement comme par un rituel annuellement renouvelé depuis la nuit des temps un « J » suivi des ces lettres jojo ; jo jo, c’était clair ! jojo, juju, jiji…J’avais déjà bien compris que tous ces dessins appartenaient à une même famille, mais je venais de réaliser que leur association formait les sons et les mots que j’utilisais pour parler. J’étais impatient de rentrer pour tester cette théorie, et au retour, j’ai ouvert un des rares livres dont nous disposions, un livre bleu, au beau milieu d’une page de droite, c’était bien ça, passionnant ! Après quelques jours de réglage, je savais lire. Hélas, cette réussite précoce spontanée était le prélude à de nombreuses années de galère. Bien évidemment, quant je me suis retrouvé parmi les grands, assis dans la grande salle, avec au retour de la récréation de midi un petit dessin représentant la lettre A, comme dans boa ou encore Allah, j’ai réalisé que je devrais subir lentement comme un supplice tout l’alphabet, que rien ne me serait épargné jusqu’au Z. Et après, ils seraient capables de faire des associations, b a ba, b a u bau, etc.…pour allonger la sauce et traîner jusqu’à l’année suivante. Heureusement, il y a aussi des oiseaux lyres en Iran. De retour dans le Nord de la France, et bien que placé
bien en avance pour mon âge, ma scolarité a été
dominée par l’ennui jusqu’en classe de seconde. Ce n’était pas ces quelques consolations qui
amélioraient le score sur les bulletins, d’autant plus que le
problème s’étendait comme la peste aux autres matières
: -3 en rédaction, -3 en histoire et géographie et même
-2 en math, le tout dans un ensemble moins que moyen, entraînant brimades,
punitions et privations. Mon orthographe est restée très approximative
jusqu’au jour où, en deuxième année de faculté,
j’ai rendu une copie d’examen avec une dizaine de fois écrit
le mot « reinal ». Quelques temps plus tard, un voisin d’examen, qui avait planché avec semble-t-il beaucoup de connaissances, le nez dans la copie, pendant une heure sur un sujet de dermatologie relève la tête au gong de fin d’épreuve et me demande affolé, syphylysse, cela s’écrit comment ? Fièrement, je lui épelle S Y P H I L I S et il se replonge rageusement sur sa copie pour de multiples corrections. Je suis maintenant marié, père de deux enfants, le premier perd encore souvent des points en math et ailleurs (-2 pour orthographe), le deuxième est bien meilleur, il n’a pas toujours zéro à sa dictée ! Mais je crains de leur avoir transmis à tous les deux le locus de la dyslexie de mon chromosome 15q. Est-ce possible que, comme moi, ils puissent être un jour définitivement guairrits ? |
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