Linda Allal
distingue deux grandes catégories d’approche
didactiques.
La première
vise un apprentissage spécifique de l’orthographe qui repose sur
l’hypothèse d’un transfert des connaissances orthographiques construites
dans des activités spécifiques vers des tâches d’écriture plus complexes.
On apprend l’orthographe à travers des activités de mémorisation, des exercices,
des dictées.
Dans la
seconde approche, l’apprentissage de l’orthographe est intégré dans
des activités de productions d’écrits. Les tâches d’écriture servent de
cadre et de point de départ pour l’étude de différents aspects de l’orthographe.
On y admet le recours à des activités spécifiques (exercices) pour consolider
l’apprentissage. La pratique enseignante quotidienne peut exiger que s’articulent
les didactiques spécifiques ou intégrées. Jaffré, ainsi, estime que les
situations fonctionnelles d’écriture sont une condition nécessaire mais
non suffisante pour l’apprentissage de l’orthographe. Elles fournissent
le point de sépart pour des activités d’analyse ayant pour but de prolonger
et de structurer les réflexions métagraphiques amorcées dans la situation
d’écriture initiale. Les activités proposées ci-dessous sont un modeste
prolongement pédagogique de cette approche prônée par Jean Pierre Jaffré
(rencontres pédagogiques n°11, INRP, 1986).
L’activité
proposée ci-dessous prend appui sur une production d’élève . Dans le cadre
d’une séquence consacrée à l’écriture théâtrale, j’avais proposée comme
projet d’écriture de transposer la nouvelle d’Anna Gavalda, Mon fils,
parue en février 2002 dans le Figaro Magazine. (en annexe1 et 2, la nouvelle
et le début d’une transposition réalisée par un groupe d’élèves). Il s’agit
là de la version finale après brouillon et réecriture divers. Je n’ai hélas
pas conservé les divers états…
Il s’agit
simplement là de donner une matrice possible de travail orthographique sur
les textes d’élèves, suivie d’activité spécifique à partir d’un objectif
déterminé.
Dans le
cas de l’écriture de cette pièce de théâtre, la maîtrise des marques personnelle
et temporelle de l’interlocution est essentielle. En effet, le choix d’un
texte de théâtre permet bien l’opposition en Je/nous ; tu/vous/ et
les référents (de qui l’on parle ?, de quoi s’agit-il ? De quoi
est-il question ?). Toute forme de séquence dialogale conviendrait
bien entendu. Je pense là à l’écriture d’interview (par exemple, l’écriture
d’une interview fictive d’ auteur, d’un personnage de roman, etc.)
Il
s’agit dans un premier temps de proposer aux élèves un travail de relecture
différée et ciblée sur le problème orhographique choisi avec une consigne
du type: souligne et relie la terminaison verbale au sujet. Corrige ce qui
te semble devoir l’être et justifie ta correction par une phrase du type,
j’avais écrit « x » parce que, j’écris « y » parce que….
Puis afin
d’affiner le travail, on peut proposer des activités de classification,
de réflexion, soit sur des textes d’élèves, soit encore sur d’autres supports
qui nous semblent adéquats et ainsi assurer la consolidation des acquisitions.
Démarche :
- Repèrage et fléchage :
souligner, relier la terminaison verbale ou le verbe au sujet grammatical
- Appariement et classement
des formes : regrouper les « je », les « tu »,
les « il », les « nous », les « vous »,
les « ils »
- Restitution des formes
à partir d’un contexte (exercices à trous où manquent les pronoms ou encore
les terminaisons verbales, ou soit encore les formes verbales conjuguées
- Substitution entraînant
des transformations (passer de je à nous, tu à vous, par exemple, de
il à ils, etc)
On met à la disposition
des élèves manuels, tableaux de conjugaison, livrets qui constituent une
base de données.
L’objectif des activités
qui suivent est de maîtriser (travailler) les marques temporelles et personnelles
de la 1ère , de la 2ème et la 3ème personne
du singulier et du pluriel (P3 et P6)
Distinguer P3 et P6 des autres personnes
Distinguer P3 et P6 (homophonie fréquente pour les verbes en –er)
Recherche contextuelle qui renforce le lien entre GN singulier ou GN pluriel
CHIEN
ET BÉBÉ, Sept farces pour écoliers, Pierre Gripari,
Grasset Jeunesse
(scène à trois)
Au début de la scène, LE BÉBÉ est assis par terre
; LE CHIEN, à côté de lui, est
couché en sphinx, et LA MÈRE, debout,tient d'une main un biberon et
de l'autre un os.
LA MÈRE.- Ça, c'est un beau bébé, ça, madame !
BÉBÉ.- Aheu ! Aheu !
LA MÈRE.- Un beau bébé tout neuf, tout propre, avec
sa couche bien sèche !
BÉBÉ.- Boudoudoudou !
LA MÈRE.- Il sera sage, mon beau bébé ? Il ne va
pas crier ? Il ne va pas salir tout de suite sa belle coucouche bien
sèche ? Guiliguili ?
BÉBÉ. - Aaah ! Aaah !
LA MÈRE.- Alors on va lui donner son biberon ! (Elle
lui donne le biberon, puis se tourne vers le chien.) --- Et ça,
qu'est-ce que c'est? C'est mon beau toutou, ça, madame
!
LE CHIEN. - Hi ! Hi ! Hi !
LA MÈRE. - Et qu'est-ce qu'il veut, mon beau toutou
? Il veut un nonos ?
LE CHIEN (jappant). - Yap ! Yap ! Yap !
LA MÈRE. - Mais oui, bien sûr, il veut un nonos !
Hmmmm ! C'est bon! (Le chien fait le beau et prend l'os.) -
Alors, maintenant, maman va faire la cuisine, et
nous, pendant ce temps-là, nous restons là, bien sages ! Compris ?
(Elle sort.)
BÉBÉ (après un temps). - Elle est partie ?
|
Consigne
1 : Souligne le verbe et relie la terminaison (ou
la forme verbale) au sujet
LE
CHIEN (coup d'oeil en coulisse). -Oui. Je la vois
dans la cuisine.
BÉBÉ. - Enfin ! On
peut parler normalement !
LE CHIEN. - C'est
vrai que c'est fatigant, la conversation, avec eux
! Mais que faire? On est bien obligés
de se mettre à leur portée... Dis-moi, cher bébé...
BÉBÉ. - Oui ?
LE CHIEN. - Tu
n'es pas tenté, quelquefois, de leur parler vraiment
? Je veux dire : pour de bon?
BÉBÉ. - Si. Une fois,
je l' ai fait.
LE CHIEN . - Il y
a longtemps ?
BÉBÉ. - Oh oui, assez
longtemps. Il y a bien trois semaines... J'avais
alors deux mois et demi, pas plus... Mon père m' a pris
dans ses bras, maladroitement, comme toujours... Il m' a
fait mal, et je lui ai dit... Enfin quoi,
je lui ai dit zut !
LE CHIEN. - Zut? Vraiment
?
BÉBÉ. - Non, pas vraiment.
Le mot était plus fort.
LE CHIEN. - Et qu'est-ce
qu'il a dit?
BÉBÉ. - Lui? Rien.
Il est resté la bouche ouverte, et puis il
m' a reposé comme si je le brûlais,
comme si j' étais je ne sais
pas quoi...
LE CHIEN. - Il
n'a rien dit à ta mère ?
BÉBÉ. - Non. Il
n'a pas osé. J' ai eu
de la chance !
LE CHIEN. - Pourquoi?
BÉBÉ. - Voyons, tu
ne les connais pas ? S'ils savaient
que je parle, ils me colleraient tout de suite
au boulot ! J' ai intérêt à ne parler que le
plus tard possible !
LE CHIEN. - tu
as bien raison ! Moi-même, tiens, ils
ne savent pas que je parle, mais
ils ont deviné, je ne sais
trop comment, que je comprends certains mots.
Eh bien, depuis ce temps-là, ils en profitent
pour m'embêter.
BÉBÉ. - Je
m'en suis aperçu. (Il « pousse
».) - Hhhhhan !

|
Consigne
2 : Regroupe les « je », les « tu »,
les « il ou elle », les « ils ou elles » dans un tableau
Personnes
|
Je |
Tu |
Il/elle |
Ils/elles |
Formes verbales |
Je
vois
Je veux dire
Je l’ai fait
J’avais
Je (lui) ai dit
Je brûlais
J’étais
Je ne sais
J’ai
eu
J’ai
Je parle
Je comprends
Je (m’en) suis aperçu |
Dis-moi
Tu n’es pas
tenté
Tu (ne les) connais (pas)
Tu as
tiens |
On
peut
On est obligés
Mon père a pris
Il a fait
Il a dit
Il est resté
Il (m’) a reposé
Il (n’) a (rien)
dit
Il (n’) a (pas)osé
Il pousse |
Ils
savaient
Ils (me) colleraient
Ils (ne) savent (pas)
Ils (en) profitent |
Consigne
3 : Dans l’exercice suivant, soit il manque le pronom,
soit la terminaison verbale, soit la forme verbale. Puis complète le tableau
élaboré à l’exercice 2
LE
CHIEN. - Qu'est-ce qui t’ arriv…? Je te trouv…
bien sérieux, tout d'un coup...
BÉBÉ. - Une seconde,
veu…-tu ? C'est cette couche neuve et sèche qui me (gratter)………..
, qui me gêne... (Il « pousse » encore.) - Hhhhhan ! Voilà ! Cette
fois-ci, ça y est !
LE CHIEN.- Ça va mieux?
BÉBÉ.- Beaucoup mieux.
Maintenant !c'est bien chaud, bien humide, confortable...
LE CHIEN. – (devoir)…………-je
comprendre que tu viens à l'instant de... ?
BÉBÉ. - Eh bien oui,
naturellement.
LE CHIEN. - Mais di...-moi
: ….… vont te battre ?
BÉBÉ. - Me battre?
Pourquoi ?
LE CHIEN. - Moi, quand
je fai… ça ici, dans la maison, je suis battu.
BÉBÉ. - Où le fais-…
, alors ?
LE CHIEN. - Où on
me (dire)…… de le faire. Dans la rue, dehors.
BÉBÉ. - Et eux ? Ils
le (faire)……. dans la rue ?
LE CHIEN. - Eux? Ah
! non ! …… font ça dans l'appartement, mais pas n'importe
où. Ils ont une petite pièce exprès pour.
BÉBÉ. - Pas possible
!
LE CHIEN. - Si, si
! ……..'y suis entré, un jour. Une petite pièce étroite
avec un siège en porcelaine, et qui (sentir)……….. très
mauvais!
BÉBÉ. --- Tiens !
Tu trouv….. que ça sent mauvais ?
LE CHIEN. - Non, non,
ce n'est pas ce que ……..crois ! Ça sentirait bon, au
contraire ! Mais ça (sentir)…………. l'eau de Javel, l'ammoniaque,
la rose, la violette, le lilas... C'est dégoûtant !
BÉBÉ. - Eh bien, dis
donc ! Heureusement que je n'y (aller)…………………………. pas
!
LE CHIEN. - Pas encore,
mais tu ne (perdre) ……………… rien pour attendre ! D'ici
quelques années, ils t’ y obliger…… !
BÉBÉ. – Tu croi….
?
LE CHIEN. -- J'en
suis sûr ! Ta grande sueur y va déjà. Et si elle (avoir)………… le malheur
de faire autrement...
BÉBÉ. -- Eh bien?
LE CHIEN. - On la
ba…... . Comme moi.
BÉBÉ. - Tu me coup…….
l'appétit ! (Il laisse tomber le biberon.)
|
Consigne
4 : Le bébé et le chien se vouvoient : fais
les transformations nécessaires et élabore un tableau avec « vous »
Complète le tableau élaboré dans l’exercice 2
LE CHIEN. (Il s'en approche
en reniflant.) - Dis-moi donc, à propos...
BÉBÉ. - Oui ?
LE CHIEN. - C'est bon, ce truc-là ?
BÉBÉ. - Quoi donc?
LE CHIEN. - Ça, ce qu'elle t’ a donné...
BÉBÉ. - C'est de mon biberon que tu veux parler ?
Moi, tu sais, je n'ai aucun point de comparaison, c'est toujours la
même chose... Tout ce que je peux dire, c'est que c'est nourrissant.
Et ton truc, à toi ? Ton os ?
LE CHIEN. - Eh bien, mon os, c'est tout le contraire
! Ça sent très bon, ça a du goût, mais comme valeur nutritive, c'est
zéro ! Ça excite l'appétit, mais pas plus. On pourrait crever de faim
à côté !
BÉBÉ. - Elle prétend cependant que tu aimes les os.
LE CHIEN. - Penses-tu ! Ils font semblant de croire
ça parce que ça les arrange ! C'est une astuce qu'ils ont trouvée
pour nous donner moins de viande ! Parce que la bonne viande, ils
la gardent pour eux !
BÉBÉ. - Mais alors, de quoi te nourris-tu ?
LE CHIEN. - Des morceaux dont ils ne veulent pas...
Par bonheur, ils n'ont aucun goût, de sorte qu'il y a encore làdedans
quelques très bonnes choses... Malheureusement ils ont la sale manie
d'y mélanger tout un tas de saletés : du riz, du pain, des pommes
de terre, des carottes, des navets...
BÉBÉ. - Dis-moi, j'y goûterais bien un peu, à ton
os... Je le trouve appétissant !
LE CHIEN. - Oh, ça ! Pour être appétissant ! Il
n'est même rien d'autre !
BÉBÉ. - Je pourrais y goûter ?
LE CHIEN (faisant le sourd). - D'ailleurs je ne
dis pas que je crache dessus... Ça vaut mieux qu'un coup de pied au
derrière...
BÉBÉ. - Dis-moi, vous comprenez le français ? |
Annexe
1
Mon fils
- Attendez Françoise, c'est mon épouse qu'il fallait appeler...
- Je n'arrive pas à la joindre, monsieur. Chez vous, je tombe sur
le répondeur et son portable est éteint.
- Vous avez essayé chez ma belle-mère ?
- Personne.
- Mais c'est insensé, cette histoire ! Vous savez bien que je déjeune
avec Wildenstein et son associé. je ne peux pas me libérer
maintenant enfin je... Essayez de nouveau et rap...
- Dites, c'est encore le lycée sur l'autre ligne... Qu'est ce que
je fais ?
- Prenez les et rappelez moi.
- Alors ?
- Il faut y aller. Ils ont l'air très énervés, vous
savez...
- Maintenant ?
- Tout de suite.
- Françoise ?
- Oui ?
- Il a quel âge le vôtre ?
- Quatre ans.
- Alors écoutez moi bien : congelez le pendant qu'il est encore temps.
Ma secrétaire riait. Je regardais ma montre : en jouant serré,
j'avais le temps d'aller à Carnot, de me faire passer un savon et
de rejoindre mes gus à la Madeleine. Bon sang, je n'avais pas besoin
de ça... Surtout aujourd'hui... Depuis le temps que j'essayais de
les coincer, ces deux là...
J'ai retrouvé mon fils totalement avachi au bout d'un couloir. Pull
informe, jean déchiré et baskets trouées. Resplendissant.
Martin ! Mais qu'est ce que tu as fait, cette fois?
- Salut p'pa.
- Oh ! je t'en prie ! les civilités, plus tard, hein
Il s'est encore tassé de quelques centimètres et a remonté
son pull sous ses yeux. Ses jambes immenses prenaient toute la place dans
le passage.
- Qu'est ce que tu as fait ?
Il ne répondait pas.
- C'est grave ?
Silence.
Du bout de son pied droit, il déchiquetait le caoutchouc de son pied
gauche.
Je regardais ma montre : midi dix.
Je me frottais le nez.
Discipline ?
Non.
Vol ?
Non.
Drogue ?
Hon hon...
Merde ! Mais ça veut dire quoi «hon hon » ? Ça
veut dire quoi ? Tu peux articuler quand tu me parles, s'il te plaît
Une femme est apparue à ce moment là pour nous demander de
nous taire. Le directeur était en rendez vous, il allait nous recevoir.
J'en profitais :
Mais euh... Il se trouve que moi aussi j'ai...
Elle était repartie.
Midi vingt cinq. Mais qu'est ce qu'il foutait ? Mais qu'est ce qu'ils foutent,
tous ces fonctionnaires ? Allez les gars, debout, c'est l'heure des flageolets
et de la portion de Babybel. On m'attend chez Senderens, moi...
Mon fils me regardait. Un coup d’œil pour ses chaussures pourries,
un coup d’œil pour son vieux père.
J'essayais de me calmer.
Je l'observais.
Qu'était devenu notre petit garçon ? Où était
il ? Et comment avions nous fait, ma petite Agnès et moi, pour fabriquer
un géant pareil ? Tout était démesuré chez lui.
Ses mains, ses doigts, son nez, ses orteils, ses oreilles...
Tout dépassait.
Et cette tignasse qu'il a.. Si seulement il pouvait m'en rendre un peu...
La vie n'est pas juste.
J'ai enlevé mon manteau et l'ai posé sur la chaise d'à
côté. J'avais décidé de ne plus regarder ma montre.
Martin, écoute moi. J'ai un rendez vous extrêmement important
dans un peu plus d'une demi heure place de la Madeleine, est ce que tu crois
que j'y serai ?
Il a secoué la tête en plissant les yeux.
Avec des gens... comment te dire... très furtifs, très habiles
et très puissants. Très, très puissants...
Il a baissé son pull :
Drogue ?
Il se marrait.
Midi quarante deux. Je maugréais et m'agitais en soupirant pendant
que mon fils triturait la feuille d'une plante grasse.
Tu ne veux pas me dire ce qui se passe ?
Il s'était un peu relevé
J'ai fait mon kakou...
Pardon ?
J'ai sauté d'une fenêtre du premier étage pendant le
cours de maths.
Ah ? ... Très intéressant... et pourquoi ?
- …
- Tu ne t'es pas fait mal ?
- Non, j'avais prévu mon coup. J'avais demandé à un
des mecs de la cantine de rouler deux grosses poubelles sous la fenêtre.
Tu aurais pu les louper...
Ouais, j'aurais pu.
Et... hum... pourquoi avoir agi de la sorte, mon enfant ?
-.
- Pour embêter ton professeur ?
Il secouait la tête.
Pour te rendre intéressant ?
Pas de réponse.
Je m'énervais
Tu sautes d'une fenêtre comme ça, toi ? ! Tu te dis «tiens,
j’ai envie de prendre l'air», et tu sautes ?
Non, c’est pas ça
C’est quoi, alors ?
C'est à cause d'une fille... J'avais envie de la faire rire. J'ai
pas grand chose d'autre, figure toi...
J'ai dû lui dire un truc du genre : « Regarde, mon amour pour
toi me donne des ailes. » J'ai ouvert la fenêtre, j'ai sauté
et je suis remonté m'asseoir à ses côtés en boitillant.
Pourquoi tu as fait ça ?
Ben... pour la faire rire, je te dis
Et... euh... elle a ri ?
Il avait sorti son visage de sous son pull.
Elle a ricané.
Elle a ricané comment ?
Il me souriait :
Ben, tu sais, comme les filles ricanent, comme ça : «hihihihihi
! »
Comme ça, fis je en l'imitant et en mettant ma
main devant ma bouche, «hihihihihi»
Annexe 2
MON FILS
LES PERSONNAGES (par ordre d’apparition) :
FRANÇOISE, secrétaire de M Delval.
M. DELVAL, père de Martin, environ 40 ans, est un homme d’affaires
très occupé.
MARTIN, fils de M. Delval, est un adolescent d’une quinzaine d’années
typique de sa génération : jean déchiré, baskets,
pull informe,...
LA SECRÉTAIRE du directeur du lycée que fréquente
Martin.
LE DÉCOR :
L’action se déroule en plein centre de Paris, dans deux lieux
différents.
Elle démarre dans le bureau de Françoise. C’est une
petite pièce bien rangée avec vue sur la Seine. Un ordinateur
est posé sur une table au milieu de cette pièce. Les murs
sont cachés par les armoires et les étagères, et la
petite baie vitrée qui éclaire le tout se trouve face à
la porte.
Puis l’action se passe dans le lycée de Martin, dans un couloir
menant au bureau du principal, qui fait office de salle d’attente.
Peint en blanc, il est éclairé par une baie vitrée
et est égayé de plantes vertes. Une série de chaises
est installée face à cette baie.
SCÈNE 1
(Dans le bureau Françoise, la secrétaire de M. Delval. Francoise
est assise derrière son bureau, et M. Delval se trouve en face d’elle.)
M. DELVAL (énervé et agressif, triturant un crayon) : Attendez
Françoise, c'est mon épouse qu'il fallait appeler...
FRANÇOISE (sur la défensive) : Je n'arrive pas à la
joindre, monsieur. Chez vous, je tombe sur le répondeur et son portable
est éteint.
M. DELVAL (d’un ton autoritaire) : Vous avez essayé chez ma
belle-mère ?
FRANÇOISE (agacée par l’agressivité de M. Delval)
: Personne.
M. DELVAL (au bord de la crise de nerf, se grattant le crâne) : Mais
c'est insensé, cette histoire ! Vous savez bien que je déjeune
avec Wildenstein et son associé. Je ne peux pas me libérer
maintenant, enfin ! Je... Essayez de nouveau, et rap...
FRANÇOISE (interrompant M Delval) : Dites, c'est encore le lycée
sur l'autre ligne... Qu'est-ce que je fais ?
M. DELVAL (d’un ton las) : Prenez-les et rappelez-moi.
(M. Delval sort du bureau de sa secrétaire. Françoise prend
alors le lycée.)
FRANÇOISE : Allô, j’écoute ! ... Non, Je suis
désolée. Il est très occupé, vous savez... Mais
vous pouvez me laisser un message. Je lui transmettrai... Ah ! C’est
si urgent que ça ! ... Dans ce cas, je vous l’envoie dès
que possible... Oui... Au revoir.
(Françoise raccroche le combiné. M. Delval passe alors sa
tête dans l’ouverture de la porte. Les répliques s’enchaînent.)
M. DELVAL : Alors ?
FRANÇOISE : Il faut y aller. Ils ont l'air très énervés,
vous savez...
(M. Delval s’avance vers Françoise.)
M. DELVAL : Maintenant ?
FRANÇOISE : Tout de suite.
M. DELVAL : Françoise ?
FRANÇOISE : Oui ?
M. DELVAL : Il a quel âge le vôtre ?
FRANÇOISE : Quatre ans.
M. DELVAL (d’un ton ironique) : Alors écoutez-moi bien : (il
lui fait un clin d’œil) congelez-le pendant qu'il en est encore
temps.
(Françoise éclate de rire, alors que M. Delval se met à
cogiter à voix haute)
M. DELVAL (faisant les 100 pas) : Si je la joue serré, peut-être
que j’aurai le temps d’aller à Carnot (il fixe sa montre
du regard), de me faire passer un savon par le lycée. (il lève
les yeux au ciel et soupire) Puis après il faut que je rejoigne mes
gus à la Madeleine. (entre ses dents) Bon sang, je n'avais pas besoin
de ça... Surtout aujourd'hui... Depuis le temps que j'essaye de les
coincer, ces deux-là...
SCÈNE 2
(M. Delval a quitté son travail et arrive au lycée de Martin.
Il y retrouve son fils au bout d’un couloir, avachi sur une chaise,
ses immenses jambes en plein milieu du passage, dans une tenue négligée
: pull informe, jean déchiré et baskets trouées.)
M. DELVAL (d’un ton las, s’avançant vers son fils) :
Martin ! Mais qu'est-ce que tu as fait, cette fois ?
MARTIN (amusé) : Salut p'pa.
M. DELVAL (énervé) : Oh ! Je t'en prie ! Les civilités,
plus tard, hein !
(Martin s’enfonce un peu plus dans sa chaise et remonte son pull
sous ses yeux. Son père vient s’asseoir à côté
de lui.)
M. DELVAL (d’un ton autoritaire) : Qu'est-ce que tu as fait ? (Martin
reste silencieux) C'est grave ?
(Martin ne répond toujours pas. Du bout de son pied droit, il s’amuse
à déchiqueter le caoutchouc de son pied gauche.)
M. DELVAL (regardant sa montre, dans un soupir) : Déjà midi
dix...
(M. Delval se frotte le nez. Puis le dialogue reprend, les répliques
s’enchaînant.)
M. DELVAL (de plus en plus énervé) : Discipline ?
MARTIN : Non.
M. DELVAL : Vol ?
MARTIN : Non.
M. DELVAL : Drogue ?
MARTIN (jouant avec les nerfs de son père) : Hon hon...
M. DELVAL (il se lève, hors de lui, et se met à crier) : Merde
! Mais ça veut dire quoi «hon hon » ? Ça veut
dire quoi ? Tu peux articuler quand tu me parles, s'il te plaît !
SCÈNE 3
(La secrétaire du directeur déboule de son bureau, l’air
très en colère, et vient se porter face à Martin et
son père.)
LA SECRÉTAIRE (s’adressant aux deux) : Pouvez-vous vous taire
s’il vous plait ? M. le directeur est en rendez-vous. Il va bientôt
vous recevoir.
M. DELVAL (en bégayant) : Mais euh... Il se trouve que moi aussi
j'ai...
(M. Delval n’a pas le temps de finir sa phrase : la secrétaire
sort.)
Amandine, Josian et Vanessa