[Orthographe]

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Des pistes et un exemple pour une approche intégrée de l’orthographe.
Marylène Constant

 

Linda Allal [1] distingue deux grandes catégories d’approche didactiques.

 La première vise un apprentissage spécifique de l’orthographe qui repose sur l’hypothèse d’un transfert des connaissances orthographiques construites dans des activités spécifiques vers des tâches d’écriture plus complexes. On apprend l’orthographe à travers des activités de mémorisation, des exercices, des dictées.

Dans la seconde approche, l’apprentissage de l’orthographe est intégré dans des activités de productions d’écrits. Les tâches d’écriture servent de cadre et de point de départ pour l’étude de différents aspects de l’orthographe. On y admet le recours à des activités spécifiques (exercices) pour consolider l’apprentissage. La pratique enseignante quotidienne peut exiger  que s’articulent les didactiques spécifiques ou intégrées. Jaffré, ainsi, estime que les situations fonctionnelles d’écriture sont une condition nécessaire mais non suffisante pour l’apprentissage de l’orthographe. Elles fournissent le point de sépart pour des activités d’analyse ayant pour but de prolonger et de structurer les réflexions métagraphiques amorcées dans la situation d’écriture initiale. Les activités proposées ci-dessous sont un modeste prolongement pédagogique de cette approche prônée par Jean Pierre Jaffré (rencontres pédagogiques n°11, INRP, 1986).

L’activité proposée ci-dessous prend appui sur une production d’élève . Dans le cadre d’une séquence consacrée à l’écriture théâtrale, j’avais proposée comme projet d’écriture de transposer la nouvelle d’Anna Gavalda, Mon fils, parue en février 2002 dans le Figaro Magazine. (en annexe1 et 2, la nouvelle et le début d’une transposition réalisée par un groupe d’élèves). Il s’agit là de la version finale après brouillon et réecriture divers. Je n’ai hélas pas conservé les divers états…

Il s’agit simplement là de donner une matrice possible de travail orthographique sur les textes d’élèves, suivie d’activité spécifique à partir d’un objectif déterminé.

Dans le cas de l’écriture de cette pièce de théâtre, la maîtrise des marques personnelle et temporelle de l’interlocution est essentielle. En effet, le choix d’un texte de théâtre permet  bien l’opposition en Je/nous ; tu/vous/ et les référents (de qui l’on parle ?, de quoi s’agit-il ? De quoi est-il question ?). Toute forme de séquence dialogale conviendrait bien entendu. Je  pense là à l’écriture d’interview (par exemple, l’écriture d’une interview fictive d’ auteur, d’un personnage de roman, etc.)

 Il s’agit dans un premier temps de proposer aux élèves un travail de relecture différée et ciblée sur le problème orhographique choisi  avec une consigne du type: souligne et relie la terminaison verbale au sujet. Corrige ce qui te semble devoir l’être et justifie ta correction par une phrase du type, j’avais écrit « x » parce que, j’écris « y » parce que….

Puis afin d’affiner le travail, on peut proposer des activités de classification, de réflexion, soit sur des textes d’élèves, soit encore sur d’autres  supports qui nous semblent adéquats et ainsi assurer la consolidation des acquisitions.

 

Démarche :

  • Repèrage et fléchage : souligner, relier la terminaison verbale ou le verbe au sujet grammatical
  • Appariement et classement des formes : regrouper les « je », les « tu », les « il », les « nous », les « vous », les « ils »
  • Restitution des formes à partir d’un contexte (exercices à trous où manquent les pronoms ou encore les terminaisons verbales, ou soit encore les formes verbales conjuguées
  • Substitution entraînant des transformations (passer de je à nous,  tu à vous, par exemple, de il à ils, etc)

On met à la disposition des élèves manuels, tableaux de conjugaison, livrets  qui constituent une base de données.

 L’objectif des activités qui suivent est de maîtriser (travailler) les marques temporelles et personnelles de la  1ère , de la 2ème  et la 3ème personne du singulier et du pluriel (P3 et P6)
Distinguer P3 et P6 des autres personnes
Distinguer P3 et P6 (homophonie fréquente pour les verbes en –er)
Recherche contextuelle qui renforce le lien entre GN singulier ou GN pluriel

CHIEN ET BÉBÉ, Sept farces pour écoliers, Pierre Gripari, Grasset Jeunesse

 

(scène à trois)

 

 Au début de la scène, LE BÉBÉ est assis par terre ; LE CHIEN, à côté de lui, est
couché en sphinx, et LA MÈRE, debout,tient d'une main un biberon et de l'autre un os.

 

LA MÈRE.- Ça, c'est un beau bébé, ça, madame !

BÉBÉ.- Aheu ! Aheu !

LA MÈRE.- Un beau bébé tout neuf, tout propre, avec sa couche bien sèche !

BÉBÉ.- Boudoudoudou !

LA MÈRE.- Il sera sage, mon beau bébé ? Il ne va pas crier ? Il ne va pas salir tout de suite sa belle coucouche bien sèche ? Guiliguili ?

BÉBÉ. - Aaah ! Aaah !

LA MÈRE.- Alors on va lui donner son biberon ! (Elle lui donne le biberon, puis se tourne vers le chien.) --- Et ça,

qu'est-ce que c'est? C'est mon beau toutou, ça, madame !

LE CHIEN. - Hi ! Hi ! Hi !

LA MÈRE. - Et qu'est-ce qu'il veut, mon beau toutou ? Il veut un nonos ?

LE CHIEN (jappant). - Yap ! Yap ! Yap !

LA MÈRE. - Mais oui, bien sûr, il veut un nonos ! Hmmmm ! C'est bon! (Le chien fait le beau et prend l'os.) -

Alors, maintenant, maman va faire la cuisine, et nous, pendant ce temps-là, nous restons là, bien sages ! Compris ?

(Elle sort.)

BÉBÉ (après un temps). - Elle est partie ?

 

 

Consigne 1 : Souligne le verbe et relie la terminaison (ou la forme verbale) au sujet

LE CHIEN (coup d'oeil en coulisse). -Oui. Je la vois dans la cuisine.

BÉBÉ. - Enfin ! On peut parler norma­lement !

LE CHIEN. - C'est vrai que c'est fati­gant, la conversation, avec eux ! Mais que faire? On est bien obligés de se mettre à leur portée... Dis-moi, cher bébé...

BÉBÉ. - Oui ?

LE CHIEN. - Tu n'es pas tenté, quelquefois, de leur parler vraiment ? Je veux dire : pour de bon?

BÉBÉ. - Si. Une fois, je l' ai fait.

LE CHIEN . - Il y a longtemps ?

BÉBÉ. - Oh oui, assez longtemps. Il y a bien trois semaines... J'avais alors deux mois et demi, pas plus... Mon père m' a pris dans ses bras, maladroitement, comme toujours... Il m' a fait mal, et je lui ai dit... Enfin quoi, je lui ai dit zut !

LE CHIEN. - Zut? Vraiment ?

BÉBÉ. - Non, pas vraiment. Le mot était plus fort.

LE CHIEN. - Et qu'est-ce qu'il a dit?

BÉBÉ. - Lui? Rien. Il est resté la bouche ouverte, et puis il m' a reposé comme si je le brûlais, comme si j' étais je ne sais pas quoi...

LE CHIEN. - Il n'a rien dit à ta mère ?

BÉBÉ. - Non. Il n'a pas osé. J' ai eu de la chance !

LE CHIEN. - Pourquoi?

BÉBÉ. - Voyons, tu ne les connais­ pas ? S'ils savaient que je parle, ils me colleraient tout de suite au boulot ! J' ai intérêt à ne parler que le plus tard possible !

LE CHIEN. - tu as bien raison ! Moi-même, tiens, ils ne savent pas que je parle, mais ils ont deviné, je ne sais trop comment, que je comprends cer­tains mots. Eh bien, depuis ce temps-là, ils en profitent pour m'embêter.

BÉBÉ. - Je m'en suis aperçu. (Il « pousse ».) - Hhhhhan !

Consigne 2 : Regroupe les « je », les « tu », les « il ou elle », les « ils ou elles » dans un tableau

Personnes

 

Je

Tu

Il/elle

Ils/elles

 Formes verbales

Je vois

Je veux dire

Je l’ai fait

J’avais

Je (lui) ai dit

Je brûlais

J’étais

Je ne sais

J’ai eu

J’ai

Je parle

Je comprends

Je (m’en) suis aperçu

Dis-moi

Tu n’es pas tenté

Tu (ne les) connais (pas)

Tu as

tiens

On peut

On est obligés

Mon père a pris

Il a fait

Il a dit

Il est resté

Il (m’) a reposé

Il (n’) a (rien) dit

Il (n’) a (pas)osé

Il  pousse

Ils savaient

Ils (me) colleraient

Ils (ne) savent (pas)

Ils (en) profitent


Consigne 3 : Dans l’exercice suivant, soit il manque le pronom, soit la terminaison verbale, soit la forme verbale. Puis complète le tableau élaboré à l’exercice 2

LE CHIEN. - Qu'est-ce qui t’ arriv…? Je te trouv… bien sérieux, tout d'un coup...

BÉBÉ. - Une seconde, veu…-tu ? C'est cette couche neuve et sèche qui me (gratter)………..   , qui me gêne... (Il « pousse » encore.) - Hhhhhan ! Voilà ! Cette fois-ci, ça y est !

LE CHIEN.- Ça va mieux?

BÉBÉ.- Beaucoup mieux. Maintenant !c'est bien chaud, bien humide, confor­table...

LE CHIEN. – (devoir)…………-je comprendre que tu viens à l'instant de... ?

BÉBÉ. - Eh bien oui, naturellement.

LE CHIEN. - Mais di...-moi : ….… vont te battre ?

BÉBÉ. - Me battre? Pourquoi ?

LE CHIEN. - Moi, quand je fai… ça ici, dans la maison, je suis battu.

BÉBÉ. - Où le fais-…  , alors ?

LE CHIEN. - Où on me (dire)…… de le faire. Dans la rue, dehors.

BÉBÉ. - Et eux ? Ils le (faire)……. dans la rue ?

LE CHIEN. - Eux? Ah ! non ! …… font ça dans l'appartement, mais pas n'importe où. Ils ont une petite pièce exprès pour.

BÉBÉ. - Pas possible !

LE CHIEN. - Si, si ! ……..'y suis entré, un jour. Une petite pièce étroite avec un siège en porcelaine, et qui (sentir)……….. très mauvais!

BÉBÉ. --- Tiens ! Tu trouv….. que ça sent mauvais ?

LE CHIEN. - Non, non, ce n'est pas ce que ……..crois ! Ça sentirait bon, au contraire ! Mais ça (sentir)…………. l'eau de Javel, l'ammoniaque, la rose, la violette, le lilas... C'est dégoûtant !

BÉBÉ. - Eh bien, dis donc ! Heureu­sement que je n'y (aller)…………………………. pas !

LE CHIEN. - Pas encore, mais tu ne (perdre) ……………… rien pour attendre ! D'ici quel­ques années, ils t’ y obliger…… !

BÉBÉ. – Tu croi…. ?

LE CHIEN. -- J'en suis sûr ! Ta grande sueur y va déjà. Et si elle (avoir)………… le malheur de faire autrement...

BÉBÉ. -- Eh bien?

LE CHIEN. - On la ba…... . Comme moi.

BÉBÉ. - Tu me coup……. l'appétit ! (Il laisse tomber le biberon.)

 

Consigne 4 : Le bébé et le chien se vouvoient : fais les transformations nécessaires et élabore un tableau avec « vous »
Complète le tableau élaboré  dans l’exercice 2

LE CHIEN. (Il s'en approche en reni­flant.) - Dis-moi donc, à propos...

BÉBÉ. - Oui ?

LE CHIEN. - C'est bon, ce truc-là ?

 BÉBÉ. - Quoi donc?

LE CHIEN. - Ça, ce qu'elle t’ a donné...

BÉBÉ. - C'est de mon biberon que tu veux parler ? Moi, tu sais, je n'ai aucun point de comparaison, c'est toujours la même chose... Tout ce que je peux dire, c'est que c'est nourrissant. Et ton truc, à toi ? Ton  os ?

LE CHIEN. - Eh bien, mon os, c'est tout le contraire ! Ça sent très bon, ça a du goût, mais comme valeur nutritive, c'est zéro ! Ça excite l'appétit, mais pas plus. On pourrait crever de faim à côté !

BÉBÉ. - Elle prétend cependant que tu aimes les os.

LE CHIEN. - Penses-tu ! Ils font semblant de croire ça parce que ça les arrange ! C'est une astuce qu'ils ont trouvée pour nous donner moins de viande ! Parce que la bonne viande, ils la gardent pour eux !

BÉBÉ. - Mais alors, de quoi te nourris-tu ?

LE CHIEN. - Des morceaux dont ils ne veulent pas... Par bonheur, ils n'ont aucun goût, de sorte qu'il y a encore là­dedans quelques très bonnes choses... Malheureusement ils ont la sale manie d'y mélanger tout un tas de saletés : du riz, du pain, des pommes de terre, des carottes, des navets...

BÉBÉ. - Dis-moi, j'y goûterais bien un peu, à ton os... Je le trouve appé­tissant !

LE CHIEN. - Oh, ça ! Pour être appé­tissant ! Il n'est même rien d'autre !

BÉBÉ. - Je pourrais y goûter ?

LE CHIEN (faisant le sourd). - D'ail­leurs je ne dis pas que je crache dessus... Ça vaut mieux qu'un coup de pied au

derrière...

BÉBÉ. - Dis-moi, vous comprenez le français ?

 

 Annexe 1

Mon fils

- Attendez Françoise, c'est mon épouse qu'il fallait appeler...
- Je n'arrive pas à la joindre, monsieur. Chez vous, je tombe sur le répondeur et son portable est éteint.
- Vous avez essayé chez ma belle-mère ?
- Personne.
- Mais c'est insensé, cette histoire ! Vous savez bien que je déjeune avec Wildenstein et son associé. je ne peux pas me libérer maintenant enfin je... Essayez de nouveau et rap...
- Dites, c'est encore le lycée sur l'autre ligne... Qu'est ce que je fais ?
- Prenez les et rappelez moi.


- Alors ?
- Il faut y aller. Ils ont l'air très énervés, vous savez...
- Maintenant ?
- Tout de suite.
- Françoise ?
- Oui ?
- Il a quel âge le vôtre ?
- Quatre ans.
- Alors écoutez moi bien : congelez le pendant qu'il est encore temps.

Ma secrétaire riait. Je regardais ma montre : en jouant serré, j'avais le temps d'aller à Carnot, de me faire passer un savon et de rejoindre mes gus à la Madeleine. Bon sang, je n'avais pas besoin de ça... Surtout aujourd'hui... Depuis le temps que j'essayais de les coincer, ces deux là...

J'ai retrouvé mon fils totalement avachi au bout d'un couloir. Pull informe, jean déchiré et baskets trouées. Resplendissant.
Martin ! Mais qu'est ce que tu as fait, cette fois?
- Salut p'pa.
- Oh ! je t'en prie ! les civilités, plus tard, hein

Il s'est encore tassé de quelques centimètres et a remonté son pull sous ses yeux. Ses jambes immenses prenaient toute la place dans le passage.

- Qu'est ce que tu as fait ?
Il ne répondait pas.
- C'est grave ?
Silence.
Du bout de son pied droit, il déchiquetait le caoutchouc de son pied gauche.

 

Je regardais ma montre : midi dix.
Je me frottais le nez.
Discipline ?
Non.
Vol ?
Non.
Drogue ?
Hon hon...
Merde ! Mais ça veut dire quoi «hon hon » ? Ça veut dire quoi ? Tu peux articuler quand tu me parles, s'il te plaît

Une femme est apparue à ce moment là pour nous demander de nous taire. Le directeur était en rendez vous, il allait nous recevoir.
J'en profitais :
Mais euh... Il se trouve que moi aussi j'ai...
Elle était repartie.


Midi vingt cinq. Mais qu'est ce qu'il foutait ? Mais qu'est ce qu'ils foutent, tous ces fonctionnaires ? Allez les gars, debout, c'est l'heure des flageolets et de la portion de Babybel. On m'attend chez Senderens, moi...

Mon fils me regardait. Un coup d’œil pour ses chaussures pourries, un coup d’œil pour son vieux père.


J'essayais de me calmer.
Je l'observais.

Qu'était devenu notre petit garçon ? Où était il ? Et comment avions nous fait, ma petite Agnès et moi, pour fabriquer un géant pareil ? Tout était démesuré chez lui. Ses mains, ses doigts, son nez, ses orteils, ses oreilles...
Tout dépassait.
Et cette tignasse qu'il a.. Si seulement il pouvait m'en rendre un peu... La vie n'est pas juste.


J'ai enlevé mon manteau et l'ai posé sur la chaise d'à côté. J'avais décidé de ne plus regarder ma montre.


Martin, écoute moi. J'ai un rendez vous extrêmement important dans un peu plus d'une demi heure place de la Madeleine, est ce que tu crois que j'y serai ?
Il a secoué la tête en plissant les yeux.
Avec des gens... comment te dire... très furtifs, très habiles et très puissants. Très, très puissants...
Il a baissé son pull :
Drogue ?
Il se marrait.

Midi quarante deux. Je maugréais et m'agitais en soupirant pendant que mon fils triturait la feuille d'une plante grasse.


Tu ne veux pas me dire ce qui se passe ?
Il s'était un peu relevé
J'ai fait mon kakou...
Pardon ?
J'ai sauté d'une fenêtre du premier étage pendant le cours de maths.
Ah ? ... Très intéressant... et pourquoi ?
- …
- Tu ne t'es pas fait mal ?
- Non, j'avais prévu mon coup. J'avais demandé à un des mecs de la cantine de rouler deux grosses poubelles sous la fenêtre.
Tu aurais pu les louper...
Ouais, j'aurais pu.
Et... hum... pourquoi avoir agi de la sorte, mon enfant ?
-.
- Pour embêter ton professeur ?
Il secouait la tête.
Pour te rendre intéressant ?
Pas de réponse.

Je m'énervais
Tu sautes d'une fenêtre comme ça, toi ? ! Tu te dis «tiens, j’ai envie de prendre l'air», et tu sautes ?
Non, c’est pas ça
C’est quoi, alors ?
C'est à cause d'une fille... J'avais envie de la faire rire. J'ai pas grand chose d'autre, figure toi...
J'ai dû lui dire un truc du genre : « Regarde, mon amour pour toi me donne des ailes. » J'ai ouvert la fenêtre, j'ai sauté et je suis remonté m'asseoir à ses côtés en boitillant.
Pourquoi tu as fait ça ?
Ben... pour la faire rire, je te dis
Et... euh... elle a ri ?

Il avait sorti son visage de sous son pull.
Elle a ricané.
Elle a ricané comment ?
Il me souriait :
Ben, tu sais, comme les filles ricanent, comme ça : «hihihihihi ! »
Comme ça, fis je en l'imitant et en mettant ma
main devant ma bouche, «hihihihihi»

 


Annexe 2
MON FILS


LES PERSONNAGES (par ordre d’apparition) :

FRANÇOISE, secrétaire de M Delval.

M. DELVAL, père de Martin, environ 40 ans, est un homme d’affaires très occupé.

MARTIN, fils de M. Delval, est un adolescent d’une quinzaine d’années typique de sa génération : jean déchiré, baskets, pull informe,...

LA SECRÉTAIRE du directeur du lycée que fréquente Martin.

LE DÉCOR :

L’action se déroule en plein centre de Paris, dans deux lieux différents.

Elle démarre dans le bureau de Françoise. C’est une petite pièce bien rangée avec vue sur la Seine. Un ordinateur est posé sur une table au milieu de cette pièce. Les murs sont cachés par les armoires et les étagères, et la petite baie vitrée qui éclaire le tout se trouve face à la porte.

Puis l’action se passe dans le lycée de Martin, dans un couloir menant au bureau du principal, qui fait office de salle d’attente. Peint en blanc, il est éclairé par une baie vitrée et est égayé de plantes vertes. Une série de chaises est installée face à cette baie.

SCÈNE 1


(Dans le bureau Françoise, la secrétaire de M. Delval. Francoise est assise derrière son bureau, et M. Delval se trouve en face d’elle.)

M. DELVAL (énervé et agressif, triturant un crayon) : Attendez Françoise, c'est mon épouse qu'il fallait appeler...
FRANÇOISE (sur la défensive) : Je n'arrive pas à la joindre, monsieur. Chez vous, je tombe sur le répondeur et son portable est éteint.
M. DELVAL (d’un ton autoritaire) : Vous avez essayé chez ma belle-mère ?
FRANÇOISE (agacée par l’agressivité de M. Delval) : Personne.
M. DELVAL (au bord de la crise de nerf, se grattant le crâne) : Mais c'est insensé, cette histoire ! Vous savez bien que je déjeune avec Wildenstein et son associé. Je ne peux pas me libérer maintenant, enfin ! Je... Essayez de nouveau, et rap...
FRANÇOISE (interrompant M Delval) : Dites, c'est encore le lycée sur l'autre ligne... Qu'est-ce que je fais ?
M. DELVAL (d’un ton las) : Prenez-les et rappelez-moi.

(M. Delval sort du bureau de sa secrétaire. Françoise prend alors le lycée.)

FRANÇOISE : Allô, j’écoute ! ... Non, Je suis désolée. Il est très occupé, vous savez... Mais vous pouvez me laisser un message. Je lui transmettrai... Ah ! C’est si urgent que ça ! ... Dans ce cas, je vous l’envoie dès que possible... Oui... Au revoir.

(Françoise raccroche le combiné. M. Delval passe alors sa tête dans l’ouverture de la porte. Les répliques s’enchaînent.)

M. DELVAL : Alors ?
FRANÇOISE : Il faut y aller. Ils ont l'air très énervés, vous savez...
(M. Delval s’avance vers Françoise.)
M. DELVAL : Maintenant ?
FRANÇOISE : Tout de suite.
M. DELVAL : Françoise ?
FRANÇOISE : Oui ?
M. DELVAL : Il a quel âge le vôtre ?
FRANÇOISE : Quatre ans.
M. DELVAL (d’un ton ironique) : Alors écoutez-moi bien : (il lui fait un clin d’œil) congelez-le pendant qu'il en est encore temps.

(Françoise éclate de rire, alors que M. Delval se met à cogiter à voix haute)

M. DELVAL (faisant les 100 pas) : Si je la joue serré, peut-être que j’aurai le temps d’aller à Carnot (il fixe sa montre du regard), de me faire passer un savon par le lycée. (il lève les yeux au ciel et soupire) Puis après il faut que je rejoigne mes gus à la Madeleine. (entre ses dents) Bon sang, je n'avais pas besoin de ça... Surtout aujourd'hui... Depuis le temps que j'essaye de les coincer, ces deux-là...

SCÈNE 2


(M. Delval a quitté son travail et arrive au lycée de Martin. Il y retrouve son fils au bout d’un couloir, avachi sur une chaise, ses immenses jambes en plein milieu du passage, dans une tenue négligée : pull informe, jean déchiré et baskets trouées.)

M. DELVAL (d’un ton las, s’avançant vers son fils) : Martin ! Mais qu'est-ce que tu as fait, cette fois ?
MARTIN (amusé) : Salut p'pa.
M. DELVAL (énervé) : Oh ! Je t'en prie ! Les civilités, plus tard, hein !

(Martin s’enfonce un peu plus dans sa chaise et remonte son pull sous ses yeux. Son père vient s’asseoir à côté de lui.)

M. DELVAL (d’un ton autoritaire) : Qu'est-ce que tu as fait ? (Martin reste silencieux) C'est grave ?

(Martin ne répond toujours pas. Du bout de son pied droit, il s’amuse à déchiqueter le caoutchouc de son pied gauche.)

M. DELVAL (regardant sa montre, dans un soupir) : Déjà midi dix...

(M. Delval se frotte le nez. Puis le dialogue reprend, les répliques s’enchaînant.)

M. DELVAL (de plus en plus énervé) : Discipline ?
MARTIN : Non.
M. DELVAL : Vol ?
MARTIN : Non.
M. DELVAL : Drogue ?
MARTIN (jouant avec les nerfs de son père) : Hon hon...
M. DELVAL (il se lève, hors de lui, et se met à crier) : Merde ! Mais ça veut dire quoi «hon hon » ? Ça veut dire quoi ? Tu peux articuler quand tu me parles, s'il te plaît !

SCÈNE 3


(La secrétaire du directeur déboule de son bureau, l’air très en colère, et vient se porter face à Martin et son père.)

LA SECRÉTAIRE (s’adressant aux deux) : Pouvez-vous vous taire s’il vous plait ? M. le directeur est en rendez-vous. Il va bientôt vous recevoir.
M. DELVAL (en bégayant) : Mais euh... Il se trouve que moi aussi j'ai...

(M. Delval n’a pas le temps de finir sa phrase : la secrétaire sort.)

Amandine, Josian et Vanessa

 

[1] Linda Allal, Acquisition de l’orthographe en situation de classe in Des orthographes et leur acquisition, Rieben, fayol et Perfetti, delachaux Niestlé, 1997, chapitre 9.